Pourquoi créer un Health Score, ou score de santé ?

J’ai échangé avec Aude, Josselin et Nolwenn qui ont chacun mené ce projet chez Spendesk, Payfit et Tiller. De nos retours d’expériences, se dégagent 5 conseils qui nous auraient été utiles à tous avant de créer un score de santé. 

Mais la première question à laquelle je dois répondre est “pourquoi créer un score de santé?”. 

Conserver un client existant coûte en moyenne 9 fois moins cher que d’en acquérir un nouveau annonce l’étude menée par SaasX en 2018. 

Un des enjeux majeurs des SaaS, est la fidélisation des clients sur le long terme et la sécurisation d’un revenu mensuel récurrent (MRR). En d’autres termes, on veut réduire à tout prix son taux de churn. Fin 2020, un grand chantier a été lancé chez Mention pour adresser ce sujet.

La phase d’état des lieux et de recherche a confirmé que nos Customer Success Managers (CSM) travaillaient dans l’urgence. La majorité de leur temps était consacré à l’onboarding des nouveaux clients, la résolution de problèmes (du run), et le renouvellement des clients existants. Il n’était pas rare qu’un client soit mécontent depuis plusieurs mois mais qu’on ne s’en rende compte que 2 mois avant la date de renouvellement. C’est trop tard.

En résumé, on manquait de proactivité. Nos CSM n’avaient pas les ressources nécessaires pour déterminer le niveau de satisfaction et d’engagements de leurs clients et agir en conséquence.

Pour tenter d’anticiper et réduire le churn, on a décidé de mettre en place un score de santé. Le score de santé permet de définir l’état de la relation avec un client et d’anticiper son évolution. Il peut prendre différentes formes : un système de points positifs ou négatifs, une jauge, un système de couleurs… Il y a autant de scores que d’entreprises, chacune va le calculer d’une façon différente en utilisant une méthodologie différente.

Cet article a donc pour but de vous aider à construire le score de santé le plus adapté à votre business, vos équipes et vos ressources. 

1. Evaluer en amont les ressources et le temps à disposition

Il n’est pas obligatoire d’être data scientist pour créer un score de santé fiable. Il faut simplement être réaliste et surtout se poser trois questions: 

  • Qui ? Combien de personnes seront allouées au projet ? Quelles sont leurs expertises (data science, data analyse…)? 
  • Quoi ? Quelles sont les métriques que vous pouvez utiliser ? Avez-vous accès aux données de votre CRM ? du produit ? du support ? 
  • Comment ? Avez-vous déjà un outil qui vous permettrait de créer un score sans code (Salesmachine, Gainsight…), le score doit-il être envoyé dans votre CRM ? 

Les réponses à ces questions apportent un cadre à votre projet, et vous permettent de trouver la solution la plus adaptée. Josselin, Customer Operations Team Lead chez Payfit a travaillé avec une équipe technique et un data scientist. Ils utilisent un script Python qui récupère de la donnée de leur base de donnée Redshift, calcul le score et l’envoie dans Salesforce.

Autre dispositif possible avec Mention où nous avions des ressources humaines plus limitées mais un tracking de notre produit mis en place avec Segment et directement envoyé dans Salesmachine, notre outil CRM pour les CSM. Ainsi, nous avons construit le score de santé à l’intérieur de Salesmachine en utilisant leur fonctionnalité native.

Le plus important est d’être réaliste.

2. Embarquer les équipes opérationnelles dès le début du projet

Quand on souhaite mesurer le succès du projet, l’adoption des équipes opérationnelles est tout aussi importante que la fiabilité du score en lui-même. Un score qui parvient à anticiper 95% du churn 3 mois en avance mais qui n’est pas utilisé par les équipes opérationnelles… Dommage non ? 

Selon Aude, Revenue Operations Manager chez Spendesk, il faut embarquer les équipes opérationnelles dès le début du projet. Leur expérience terrain auprès des clients est un atout considérable qu’il faut utiliser, après tout ce seront les utilisateurs finaux de votre score de santé. Chez Mention, on a même utilisé leur expérience pour définir une partie des metrics qui avaient un impact sur le churn. On a passé du temps avec chacun d’entre eux pour mieux comprendre comment ils travaillaient, les métriques qu’ils regardaient. 

Une bonne pratique est d’avoir un ou deux “champion” par équipe qui sera à la fois une source d’information pour vous mais également votre meilleur “publicité” auprès des équipes quand il s’agira d’adopter le score. 

Dans ce genre de projet, on perd souvent de vue qu’il ne s’agit pas seulement de trouver “The” algorithme qui va être fiable à 100% mais c’est aussi et surtout de prévoir comment les équipes opérationnelles pourront l’utiliser et les actions concrètes qui devront être déclenchées. Un client peut être à risque pour plusieurs raisons différentes comme par exemple un renouvellement d’équipe, une perte de valeur, une mauvaise utilisation du produit ou un trop grand nombre de bugs….Il faut pouvoir les identifier et mettre en place des actions personnalisées. Ainsi, votre score de santé sera d’autant plus utilisé s’il est accompagné d’informations compréhensibles pour votre utilisateur. Par exemple, cet utilisateur est à risque car il ne s’est pas connecté depuis 2 semaines ou bien parce qu’il a un Net Promoter Score (NPS) inférieur à 5.

3. Segmenter le scoring 

La segmentation du scoring peut intervenir à différents niveaux : segmentation du cycle de vie, segmentation des clients, segmentation des métriques utilisées. 

On peut rapidement être tenté de vouloir créer un seul super score qui permettra de prédire 100% du churn sur tous nos clients. La réalité est souvent plus complexe… Imaginez si vous deviez prédire la probabilité qu’une personne chute au ski, vous n’appliqueriez pas les mêmes critères à un débutant qu’à un triple champion de slalom. Pour le score de santé c’est pareil, il vous faudra sûrement segmenter selon les différentes étapes de la vie de votre client. Le plus « commun » étant d’avoir un score pour l’onboarding et un post onboarding.

Dans certains cas, il peut également être intéressant de diviser les clients en catégories pour adapter le score. Chez Mention, nos clients ont des utilisations très différentes de la plateforme donc pour le score produit on a décidé de le faire varier en fonction du use case. Par exemple, pour nos clients qui ont paramétré leur compte pour uniquement recevoir les rapports par mail on va surtout regarder l’ouverture des mails car ils ne se connectent que très peu à la plateforme contrairement aux clients “classiques” qui se connectent régulièrement. 

Votre score va se composer de plusieurs métriques, n’hésitez pas à les regrouper en catégories pour faciliter la lecture du score et son interprétation par les équipes opérationnelles. Par exemple, on peut avoir la donnée de l’utilisation du produit, la satisfaction client (NPS, ticketing), l’état de la relation (taux de pénétration, dernier contact…). Cette segmentation va permettre de mieux comprendre pourquoi votre client est à risque et quelles actions peuvent être mises en place. 

Attention à ne pas tomber dans l’ultra personnalisation car maintenir 15 scores de santé différents peut vite devenir ingérable et compliqué à adopter pour les équipes opérationnelles. 

4. Simplifier au maximum

Nolwenn, Head of Data chez Tiller a tenté de pondérer l’impact de plus de 30 metrics sur le churn d’abord en utilisant le retour des CSM puis avec un algorithme. À chaque fois, le résultat ne passait pas les tests utilisateurs. Il y avait trop de critères à évaluer. Selon elle, il faut en amont mieux définir les métriques qui ont un impact sur le churn.

Non seulement il sera plus compliqué de travailler avec une centaine de métriques mais un score composé d’autant de variables sera compliqué à maintenir et à expliquer aux équipes opérationnelles. N’ayez donc pas peur de faire un tri parmi les metrics à votre disposition soit à l’aide du feedback de vos CSM soit avec l’aide d’un data scientist. 

Josselin, chez Payfit a travaillé avec une équipe de data scientist pour identifier les 3 variables qui avaient le plus d’impact sur le churn. Ce sont encore ces trois métriques qui composent leur score aujourd’hui.

5. Itérer et tester encore et encore

Il est peu probable que votre premier essai soit le dernier. Si je retiens une chose de mes échanges avec Aude, Josselin et Nolwenn c’est qu’il faut itérer encore et encore. Chaque version du score vous apportera un enseignement, d’autant plus si vous êtes capable d’évaluer la fiabilité de votre score.

En amont de votre projet, prenez le temps de définir comment sera évaluée la fiabilité de votre score. Plusieurs méthodologies sont possibles, vous pouvez l’appliquer à vos clients existants et demander à vos équipes opérationnelles de confirmer ou non la véracité du score ou alors vous pouvez appliquer votre score de manière rétroactive à des clients qui ont déjà churn pour évaluer si X mois auparavant, votre score aurait prédit ou non le churn de ces clients. Pour cette dernière méthode, il est nécessaire d’avoir une base de données où vous conservez toutes les composantes du score de façon chronologique. 

Les deux méthodes se valent, et se complètent, à vous de trouver celle qui vous correspond. 

En parallèle des tests de fiabilité du score, n’hésitez pas à suivre l’adoption des équipes opérationnelles de près et à collecter leurs retours d’expériences. Comme évoqué plus haut, l’adoption des équipes sera vraiment cruciale, prenez le temps de les former à l’utilisation du nouveau score de santé. 

En conclusion, le score de santé peut sembler être un nice to have pour une équipe CSM mais une fois qu’il aura prouvé son efficacité, il deviendra essentiel à vos équipes. Pour autant, ce n’est pas une fin en soit et il vous faudra créer un process autour de ce score afin d’en tirer pleinement profit.