Au sortir de la crise du Covid (2021), Partoo s’est fixé comme objectif d’anticiper au mieux les aléas business et de ne plus naviguer à vue.

Grâce à la mise en place de différents process et méthodologies, le forecasting des équipes commerciales de Partoo est devenu non seulement plus précis mais également plus fiable. Durant plusieurs trimestres consécutifs, nous avons réussi à prédire avec exactitude et dès le début du trimestre si nous allions atteindre nos objectifs… ou pas.

Mieux encore, nous avons mis le forecasting au cœur de notre pilotage commercial. Ce n’était plus une donnée pour le management ou les investisseurs mais un véritable outil de gestion opérationnelle des efforts commerciaux. En conséquence, nous prenons à présent des décisions éclairées au bon moment. Plus de mauvaises surprises.

Les Sales peuvent estimer leurs prévisions en fonction de leur pipeline et les managers peuvent s’engager sur des chiffres.

Résultats : du 3ème trimestre 2021 à aujourd’hui (Juin 2023) nous ne nous sommes jamais trompés sur notre capacité à atteindre les objectifs, ces derniers représentants des millions d’euros par trimestre pour une croissance de plus de 70% par an.  Nous avons également navigué dans une fourchette de +/-5% du réel par rapport à nos prévisions.

Alors, qu’est-ce qui a changé ? Qu’avons-nous fait ? C’est tout le sujet de cet article.

Forecast d'ARR de Partoo

Pour information : Partoo propose une solution SaaS destinée aux équipes marketing/communication. Le processus de vente dure généralement entre 3 et 6 mois. Nous vendons principalement aux grands comptes à travers des abonnements annuels pour un total de 5 produits.

I – La phase préparatoire

Le forecasting, dans le contexte du SaaS B2B, est un exercice de prédiction qui s’appuie sur les données de vente actuelles et passées afin de projeter les revenus futurs. Une fois la méthode de forecasting choisie, une analyse minutieuse en trois phases distinctes est nécessaire: 

  1. Définition des indicateurs clés de performance (KPI) 
  2. Récolte de la donnée
  3. Interprétation

C’est un mécanisme dynamique qui exige une compréhension claire de votre marché et du processus de vente. Après avoir détaillé ces 3 étapes dans le premier chapitre, je vous partagerai dans un deuxième comment optimiser votre forecast en continue et comment :

  • Améliorer la compréhension de votre cycle de vente –  Opportunity stage forecasting
  • Représenter le forecast à travers des scénarios (Best / Base / Worst) – Intuitive Forecasting
  • Intégrer l’impact de la saisonnalité des ventes – Time Series Analysis

Mais commençons par un peu de théorie pour planter le décor.

a) Choisir sa méthode de forecast

Il existe une multitude de manières d’aborder le forecasting. Toutes ont leurs avantages et leurs inconvénients. En voici quelques unes : 

  • Opportunity stage forecasting (« Prévision par les étapes de ventes) : Cette méthode s’appuie sur la probabilité de conclure des ventes à chaque étape du cycle de vente. Forecast = valeur totale du pipeline actuel à chaque étape x taux de closing (succès)
  • Historical forecasting (« Prévision historique »): Cette méthode se base sur les données des périodes précédentes, auxquelles peut parfois s’ajouter un coefficient d’augmentation des ventes (Sales Velocity).
  • Intuitive forecasting (« Prévision intuitive ») : Cette méthode se concentre sur l’intuition des commerciaux. Ils indiquent simplement comme forecast ce qu’ils estiment pouvoir réaliser en termes de ventes
  • Bottom-up approach (« Approche ascendante ») : Cette méthode se base sur des suppositions concernant le nombre de clients que vous pouvez signer. La formule de calcul est alors : Prévision des ventes = nombre estimé de clients additionnels x valeur du panier moyen.
  • Regression Analysis (« Analyse de régression »): Cette méthode statistique utilise la relation entre deux ou plusieurs variables pour prédire les futures ventes. Exemple : comment évoluent les ventes d’un marchand de glace en fonction de la température.
  • Time Series Analysis (Analyse de séries temporelles) : Cette méthode aide à comprendre comment les ventes évoluent avec le temps. Exemple : comment évoluent les ventes après des campagnes publicitaires ? Comment évoluent les ventes de télés lors de grands évènements sportifs ?
  • Multivariable analysis (« Analyse à variables multiples »).  Cette méthode prend en compte une variété de facteurs, incluant le taux de closing, les cycles de vente, l’intuition des sales et les données historiques. C’est un peu la méthode ultime.

Comme beaucoup de méthodes, celles concernant les prévisions doivent être vues comme complémentaires. Chacune venant appuyer un élément particulier du forecast et c’est justement la combinaison de ces éléments qui va contribuer à la qualité de la prévision.

Si la méthode « Intuitive Forecast » est la plus évidente pour des entreprises naissantes (Partoo y est passé), elle est fortement soumise à la subjectivité des Sales. Par ailleurs, le manager est également dépendant des informations qu’on lui transmet. 

C’est pourquoi, côté Partoo, il nous fallait une manière plus « scientifique » de prévoir. Nous avons décidé de partir sur la méthode « Opportunity stage forecasting ».

b) Définir les indicateurs clés de performance (KPI) à suivre

“Pour savoir où on va, il faut savoir d’où on vient”

Otto von Bismarck.
Otto von Bismarck

La prévision se construit grâce à une connaissance approfondie de son activité. L’historique joue ici un rôle majeur.

Au début, la donnée manque mais, par la suite, elle s’accumule rapidement. Si vous pouvez suivre toutes les données, faites-le ! Il est essentiel de comprendre comment évoluent les opportunités créées par votre équipe et comment vos prospects réagissent.

Courant 2019, Partoo s’est équipé de Salesforce (en remplacement de Pipedrive). Clément Bouillaud, notre directeur des opérations, a alors fait un travail formidable pour tout paramétrer et permettre le suivi de certains KPIs, comme:

Taux de victoire à chaque étape du cycle de vente

Connaître ce taux permet d’identifier les points de friction et à éclairer les zones d’amélioration potentielles. Il permet surtout de connaître avec plus de précision le nombre de prospects qui se convertissent en clients en fonction du moment de la vente. C’est le point le plus important de la méthode que nous avions choisie. 

Nombre d’opportunités créées et signées sur une même période (par exemple, un mois ou un trimestre)

Cette donnée permet d’anticiper le pipeline et les revenus invisibles en début d’exercice.

Cette donnée a eu deux forts impacts pour Partoo. La première était de prouver aux Sales que la prospection, si elle est réalisée tôt, permettait de les aider à signer davantage. Nous pouvions leur démontrer que certains deals échappent aux durées de cycle de vente moyen et venaient nourrir les résultats du quarter. La seconde nous permettait d’affiner nos prévisions en ajoutant une variable invisible au début du quarter : celle des deals dont nous n’héritons pas du trimestre précédent. Notre forecast pouvait donc anticiper un montant X€ à ajouter à notre prévisions de début de trimestre.

Durée moyenne du cycle de vente

En comprenant combien de temps il faut en moyenne pour qu’un prospect devienne client, nous pouvions mieux anticiper la conversion d’une opportunité en vente.

Cet élément permet de mieux ajuster les prévisions car si le cycle de vente dure en moyenne six mois, les opportunités créées au cours d’un trimestre donné auront peu de chances de se concrétiser au cours de ce même trimestre. Cette donnée nous a permis de challenger et responsabiliser les Sales sur l’ouverture de deals dont les prévisions de signature étaient très proches dans notre CRM. Par exemple, si ça devait signer sous 3 semaines, ils devaient le justifier. 

Win rate (ou taux de victoire) 

Il s’agit du pourcentage de transactions conclues par rapport au nombre total de transactions.

Le Win Rate nous a permis de mieux appréhender la quantité de pipeline nécessaire pour atteindre les objectifs. C’est devenu une donnée centrale pour les équipes commerciales. Par exemple, si le taux de victoire était de 30%, nous estimons qu’il fallait à peu près 3x l’objectif du trimestre dans le pipeline pour être confortable dans nos prévisions de vente. Bien évidemment, il fallait ensuite pondérer avec le nombre d’opportunités et leur taille. C’était devenu un indicateur clé de pilotage et de prospection. Un Sales avec uniquement 1x son objectif dans le pipeline commençait le quarter avec beaucoup de risques (au regard également de la durée des cycles de vente).

Taux et temps de conversion par étape du cycle de vente

Ce KPI peut vous aider à identifier les goulots d’étranglement dans votre processus de vente et à anticiper plus précisément la durée des cycles de vente.

Nous avons souhaité à un moment raccourcir nos cycles de vente car plus ils duraient, plus nos chances de signer étaient faibles (changement d’interlocuteur, budget déjà utilisé…). Cependant, le cycle de vente est composé d’une multitude d’étapes. Connaître la déperdition d’une étape à l’autre et leur durée nous a permis de mieux agir. Par exemple, si l’étape correspondant à nos closing durait en moyenne 16 jours, nous savions que des opportunités coincées en toute fin de trimestre allaient glisser. Il fallait donc agir au plus vite.

Saisonnalité

Cette donnée vient calculer la fluctuation de nos revenus en fonction d’une certaine temporalité (Trimestre, mois..). 

Nous avions mis en place de nombreux indicateurs pour connaître la saisonnalité de nos ventes mais aussi en fonction des secteurs. Ceci permettant de pondérer les objectifs d’un quarter mais aussi d’anticiper les périodes creuses.

Une fois que nous savions ce que nous voulions tracker, il nous fallait alors nous assurer d’obtenir cette data. 

c) La récolte de la donnée : le roi CRM

Le CRM est souvent perçu comme un outil de reporting contraignant par les équipes commerciales qui ont tendance à négliger son remplissage. Cependant, sans données, il nous était impossible d’élaborer nos prévisions de vente.

Pour nous assurer de collecter les informations nécessaires, nous avons rendu obligatoire la saisie des informations dans les champs de Salesforce. Ainsi, certaines étapes clés, telles que la création d’une offre commerciale ou la clôture d’une opportunité (gagnée ou perdue), ne peuvent être effectuées sans avoir complété tous les champs requis. C’était mécanique, un message venait rappeler qu’une information était nécessaire. Plus tard, nous avons même intégré des rappels par emails (notamment pour la validation des rendez-vous, nous assurant qu’ils ont bien eu lieu).

Exemple des champs à remplir dans notre CRM à l’étape 2 de notre Sales Pipeline

À partir de ce moment, nos données ont commencé à s’enrichir semaine après semaine, rendant nos analyses de plus en plus précises. Cela a constitué la première étape vers une meilleure gestion de nos ventes et une prévision plus efficace.

De plus, cet enrichissement a permis de développer des stratégies plus ciblées et plus efficaces. Nous avons été en mesure de comprendre plus précisément les comportements et les besoins de nos clients, nous permettant ainsi de personnaliser nos offres et d’améliorer notre taux de conversion.

Cette étape de collecte de données a également permis à nos équipes commerciales de mieux comprendre l’importance du CRM non seulement comme outil de reporting mais aussi comme une ressource précieuse pour la planification et l’exécution de leurs stratégies de vente. Il est devenu un outil indispensable pour notre activité.

d) Interprétation des données

Une fois tous les éléments en notre possession, est venu le moment de construire notre forecast et de l’interpréter.

La méthode “Opportunity stage forecasting” permettait d’obtenir un calcul rapide et constituait une première base. Ainsi, en pondérant chacune de nos étapes de vente par le taux de victoire à chaque étape du cycle de vente, nous obtenions une ventilation de notre Sales Pipeline.

Dans l’exemple fictif ci-dessous, malgré un pipeline total de 300k, les prévisions indiquent un résultat probable de 120k. C’est 2,5 fois moins que ce que représente le portefeuille d’activité. 

exemple de forecasting

Afin que le montant des signatures prévues augmente, deux solutions : 

  • Créer davantage d’opportunité
  • Faire avancer les opportunités d’une étape à l’autre

Cette interprétation du forecast nous a servis un premier temps mais avec des équipes grandissantes et surtout davantage de complexité dans nos ventes (multi produit, pluri secteur…), il nous fallait aller plus loin. Nous avons donc cherché à compléter cette approche par d’autres méthodes.

II – L’optimisation de notre forecast, le vrai tournant

Chaque modèle de prévision a pour objectif une amélioration continue. Chez Partoo, nous avons débuté avec une prévision basée sur les étapes du cycle de vente. Nous avons ensuite scruté chaque détail pour optimiser ce modèle.

a) Améliorer sans cesse la compréhension de notre cycle de vente –  Opportunity stage forecasting 

Pour bien suivre vos ventes, nous devons nous baser sur des données fiables et compréhensibles. Autrement, comment pouvons-nous savoir si l’opportunité X était réellement plus avancée que l’opportunité Y ? 

Généralement, les équipes commerciales choisissent des moments clés de la vente pour situer l’opportunité, comme une démonstration ou l’envoi d’un contrat. Cependant, nous avions la conviction que ce modèle n’était pas assez précis.

Pour que le forecast soit de meilleure qualité et notre pipeline le plus précis possible, nous basons l’évaluation de nos opportunités sur la vision de nos acheteurs et des étapes par lesquelles ils passent pour s’équiper de Partoo. Chacune de ces étapes doit venir valider celles que nous avons de notre côté, en tant que vendeur.

Il nous faut des passages concrets qui font réellement avancer les opportunités vers des signatures. C’est toute la différence entre le Seller Journey et le Buyer Journey (parcours d’achat vs. parcours de vente).

Selling process VS buyer process

Exemple générique des différences entre un parcours entre un vendeur et un acheteur

Ainsi, chez Partoo, notre Sales Pipeline comprend 6 étapes (excluant la phase “gagnée”). Chacune d’elles se voit attribuer des critères permettant de la valider. A cet instant, nous voulons que chaque pipe stage (étape) de notre cycle de vente soit parfaitement concret et réplicable pour toutes les ventes.

sale pipeline de Partoo

Sales Pipeline des ventes grands comptes

De cette manière, peu importe le commercial impliqué ou le secteur d’activité concerné, tous sont soumis au même processus d’avancement d’une opportunité. En instaurant ce processus, nous éliminons certains facteurs d’incertitude :

  • L’ambiguïté : les critères ne varient plus en fonction des commerciaux.
  • L’exceptionnalité : il n’y a plus autant de cas uniques qu’il y a de ventes.
  • La subjectivité : le Sales n’est plus influencé par différents biais.

 Quelques exemples au sein de Partoo :

La création d’une opportunité (Étape 1 de notre cycle de vente)

L’objectif est de comprendre ce qui fait qu’une opportunité est une réelle opportunité plutôt qu’un simple “lead”. Qu’est-ce qui mérite d’être visible dans notre prévision ? 

Nous déterminons qu’il faut une intention d’achat dans les 6 mois, une réelle problématique à résoudre pour le prospect ou encore un interlocuteur prêt à porter le projet. C’estune sorte BANT . 

Les Sales sont donc responsabilisés car ils doivent justifier dans notre CRM (et lors des revues de portefeuille) pourquoi une opportunité s’est ouverte (ou pourquoi elle devrait l’être). 

champs obligatoire pour valider le cycle de vente - first meeting

Exemple des champs nécessaire à la validation d’une étape du cycle de vente

Cette première phase du cycle de vente est extrêmement importante car elle est généralement la cause de création d’un pipe « fantôme » (des opportunités qui n’en sont pas). Vous pensez alors avoir énormément d’opportunités sur lesquelles compter mais elles finissent toutes par mourir…

Le passage à 60 % (Étape 3 de notre cycle de vente)

Il s’agit du point de basculement, où, selon notre historique, nous avons plus de chances de gagner que de perdre. 

Dans notre Sales Funnel, nous avons déterminé qu’à cette étape, nos interlocuteurs considèrent Partoo comme un acteur pour les accompagner. Pour cela, les Sales doivent valider certains points clés en amont pour nous assurer d’une telle situation (ex : validation du projet, intégration des décisionnaires dans les discussions…). Vous remarquerez qu’ici, nous mettons des éléments de validations liés à l’acheteur et non pas au vendeur.

Nous avions remarqué qu’une raison fréquente d’un retour en arrière dans nos cycles de vente était l’absence d’Economic Buyer (la personne qui détient le budget et l’engage pour Partoo) ou de Décisionnaire. Tant qu’ils n’avaient pas été inclus dans les échanges, nos chances de signer étaient faibles. Ainsi, pour que le passage à 60% de victoire soit réel, l’étape 3 devait justifier de l’élément Economic Buyer. S’il était absent, l’opportunité restait aux étapes précédentes.

champs obligatoire pour valider le cycle de vente - projct validated

“En cours de signature” (Étape 6 de notre cycle de vente)

Il s’agit d’un contrat en cours de signature mais toujours entre les mains de nos interlocuteurs. A ce stade-là, il ne doit faire aucun doute sur le fait que le deal va être gagné mais les 10% d’incertitudes nous permettent d’évaluer la vente comme toujours en cours tant que le contrat n’est pas signé. 

Il nous est arrivé d’ouvrir la bouteille de champagne… et de la refermer. Pour diverses raisons, les deals peuvent capoter jusqu’au dernier moment. Un exemple parlant fut le Covid. Des contrats qui allaient être signés ont, du jour au lendemain, complètement disparu. En appliquant une marge d’erreur raisonnable (10%), nous appliquons un principe de conservatisme (j’en parle ultérieurement) qui permet encore et toujours d’affiner nos prévisions.

Chaque étape de ce processus doit valider les critères que nous avons définis en tant que vendeurs, afin de garantir la précision de notre prévision et de notre pipeline. L’évaluation de nos opportunités repose sur la perspective de nos acheteurs et les étapes qu’ils traversent pour s’équiper avec Partoo.

b) Représenter le forecast à travers des scénarios : Best Case, Base Case, Worst Case – Intuitive Forecasting

Après quelques temps, nous avons observé que notre forecast, tel que nous l’avions construit, présentait deux inconvénients : 

  1. Il ne parlait pas à grand monde : c’était surtout une donnée pour les managers. Son calcul même pouvait en rebuter certains.
  2. Il était purement mathématique quand la vente est parfois irrationnelle : certains éléments “non calculables” pouvaient affiner notre forecast. 

C’est ainsi que nous avons introduit la notion de scénarios. D’abord demandé à un niveau Direction afin d’avoir une visibilité claire sur le forecast, la création de scénario a ensuite permis un meilleur pilotage pour les équipes et une meilleure sensibilisation des sales mais aussi du reste de l’entreprise.

Nous avons définis 3 scénarios : Best Case, Base Case et Worst Case.

1. Prévision optimiste (best case)

ce scénario envisage les meilleurs résultats possibles. Tous les facteurs idéaux sont pris en compte, tels que la conclusion rapide de nos meilleures opportunités, la reprise des négociations avec des prospects stagnants, etc.

Il s’agit de la meilleure estimation possible en termes d’atteinte d’objectif. Le Best Case comprend le Worst Case auquel s’ajoutent les grosses opportunités (voir partir 2.5) et les opportunités avec une bonne dynamique mais pour lesquelles nous manquons encore de conviction. Par exemple, on y retrouve certaines opportunités soumises à consultation et pour lesquelles nous sommes short-listés.

2. Prévision réaliste (base case)

c’est le scénario le plus pragmatique et objectif. Il est basé sur des conditions actuelles, des données historiques et certaines estimations prudentes.

Le Base Case reprend l’ensemble du Worst Case auquel s’ajoutent des deals bien avancés (au-delà de 60%) et pour lesquels des éléments d’assurance ont déjà été donnés par les prospects. Le Sales est sensibilisé sur le fait que ces opportunités doivent avancer rapidement.

3. Prévision pessimiste (worst case)

Ce scénario envisage le pire des résultats possibles. 

Chez Partoo, il prend généralement en compte ce qui a déjà été signé et ce qui est sûr d’être signé (annoncé en « commit » par le Sales). C’est le résultat minimum auquel nous nous attendons.

prevision de vente

2: Exemple pour un objectif à 800k

Pour distinguer l’applicabilité d’un scénario par rapport à un autre, nous avons adopté la méthode de « Prédiction Intuitive » (Intuitive Forecasting). Pour rappel, celle-ci  fait appel à la subjectivité de nos équipes de vente.

Cependant, il était imprudent de l’utiliser sans y associer des principes bien définis. De ce fait, chaque scénario est évalué selon des critères précis. Par exemple, pour qu’une opportunité soit intégrée dans le scénario du Worst Case (le scénario le plus engageant car c’est lui qui sert de référence pour établir l’objectif minimal que nous atteindrons), il est indispensable qu’elle ait franchi au moins l’étape 4 de notre Processus de Vente. 

Cette exigence garantit un niveau d’engagement minimal et permet surtout d’éviter de donner de la visibilité à des opportunités encore en phase embryonnaire (et donc potentiellement incertaines).

Autre règle importante : une opportunité en Commit et qui intègre le Worst Case scénario ne peut plus en sortir. 

Le fait de compléter notre « Opportunity stage forecasting » avec une autre méthode a permis de passer à l’étape supérieure. Le forecast devenait compréhensif pour tous et devenait un enjeu collectif.

Ces scénarios sont mis à jour chaque semaine, lors des Revues de Portefeuille (RP). Ils ont donc un caractère vivant et nous permettent tout au long du trimestre de suivre nos projections au plus près.

Il existe également deux autres scénarios sur lesquels nous nous basons. Ceux-ci, au contraire des précédents, ne se font qu’une seule  fois dans le trimestre et au tout début. Ils agissent comme référence, c’est les prévisions les plus en amont que nous puissions faire. Leur but est avant tout de donner la tendance du trimestre à venir.

Prévision de référence

Il est généralement neutre et factuel, prenant en compte les éléments existants. C’est d’ailleurs durant les Quarter Business Review (QBR) que nous partageons cette prévision.

Les QBR sont des réunions trimestrielles où les Sales et le management évaluent les performances du trimestre passé et planifient la stratégie pour le trimestre suivant. En se basant sur ces informations et sur le pipeline existant (qui a glissé du trimestre précédent), il est possible d’établir des prévisions. C’est un excellent point de départ pour le forecast car il engage également le Sales.

Prévision probabiliste

Ce scénario utilise des modèles statistiques ou des techniques probabilistes pour estimer les résultats possibles avec différentes probabilités. C’est généralement les équipes Ops qui vont aider à définir ce scénario.

Par exemple, si vous transformez chaque trimestre 30% de votre pipe initial et que vous créez et signez 40% de votre pipe initial dans le même trimestre, cela peut servir de base pour une prévision probabiliste. À cela peut bien évidemment s’ajouter des éléments statistiques complémentaires.

c) Intégrer l’impact de la saisonnalité des ventes – Time Series Analysis 

Au fil du temps, à mesure que nous accumulions des données, nous avons été en mesure d’identifier une tendance particulière dans nos ventes. Nous avons remarqué que certains mois de l’année étaient souvent en dessous des prévisions, tandis que d’autres surpassaient nos attentes et compensaient les déficits. Cette situation se répétait année après année.

Bien que nous parvenions à atteindre nos objectifs, cela nécessitait des efforts intenses tels que les “sprints de fin de trimestre”. C’est à ce moment-là que nous avons décidé de nous tourner vers l’analyse de séries temporelles pour mieux comprendre nos ventes et leur évolution au fil du temps.

Notre objectif était d’être alertés des mois difficiles afin de pouvoir planifier des actions correctives en amont. C’est exactement ce que nous avons fait. Par exemple, nous avons identifié que le mois de mai était traditionnellement délicat pour nos chiffres. Par conséquent, nous avons décidé de mettre en place des mesures correctives.

Parmi celles-ci, nous avons accéléré le rythme des ventes en avril pour anticiper la baisse de mai. Nous ne voulions pas être contraints de rattraper nos chiffres en juin, le dernier mois du trimestre. Ainsi, nous avons guidé nos équipes sur les stratégies commerciales à adopter, y compris la réduction de la durée des cycles de vente pour ce trimestre spécifique. Nous avons également mis en place des incentives pour les clients afin de les encourager à prendre des décisions plus rapides.

A l’inverse, les mois de surperformance nous donnaient davantage de confiance pour faire mieux. Comme il s’agissait de mois généralement très bons, nous pouvions donner confiance aux équipes sur leur capacité à y aller à fond. 

A noter :

  1. Il s’agit là d’un exemple très simple de l’analyse de séries temporelles mais qui a eu un réel impact de notre côté. 
  2. Nous avons décliné cette analyse à d’autres niveaux : besoins en ressources projet, fluctuation des ventes suite à des webinaires, augmentation de la durée des cycles de vente lors du lancement de nouveaux produits…

III – Nos bonnes pratiques

La transparence

Pour obtenir une prévision de qualité, il est impératif que vos données soient non seulement précises mais surtout vraies. Il ne s’agit pas simplement que les commerciaux vous fournissent les informations que vous souhaitez entendre (par exemple : que les deals progressent) mais qu’ils soient aussi honnêtes que possible. Si une affaire est retardée ou si une opportunité est perdue, il ne doit pas y avoir de peur à l’annoncer. La transparence est essentielle.

Le challenge via des outils & coaching

Les Sales peuvent parfois être victimes de l’effet tunnel, c’est-à-dire se concentrer exclusivement sur les opportunités qu’ils estiment les plus prometteuses. Aussi, ils peuvent avoir la « tête dans le guidon » et ne pas prendre assez de recul pour bien analyser leurs deals. Il est donc crucial de leur fournir les outils pour valider chaque information, soit en utilisant des méthodes spécifiques (par exemple, le modèle de vente MEDDIC), soit par un coaching lors de revues de portefeuille avec leur manager. Ce dernier point est important et marque l’importance des 1 :1 Sales / Manager. Le manager est là pour aider et son rôle est essentiel dans la performance.

La responsabilisation de l’équipe commerciale

Les Sales sont la première source d’information concernant les deals. Ils détiennent également la plus grande influence sur ces derniers. Par conséquent, ils sont les chefs d’orchestre de leurs opportunités et doivent avoir une parfaite maîtrise de celles-ci. Dans ce contexte, il existe une notion de “commit” (engagement) par laquelle le Sales s’engage à conclure une vente qu’il juge suffisamment avancée. Il est l’artisan de son propre forecast et de la transparence qu’il offre. Si une opportunité classée en “commit” ne parvient pas à être conclue, la responsabilité de compenser cette perte avec une autre opportunité lui incombe, de sorte qu’il n’y ait aucun décalage dans les prévisions. Le “commit” représente la valeur la plus forte du forecast.

La gestion des grosses opportunités

Nous avons parfois des opportunités qui représentent 5 à 10 fois notre panier moyen. Celles-ci peuvent profondément transformer le forecast en bien mais aussi en mal (si elles venaient à ne pas être signées). Ainsi, ces opportunités sont exclues de nos scénarios jusqu’à ce qu’elles soient à un stade très avancé. Au mieux, elles intègrent le Best Case mais jamais plus. 

Une vision conservatrice

Nous préférons les bonnes surprises aux mauvaises. Ainsi, notre approche du forecasting a toujours été basée sur le conservatisme. Pas de sur-interprétation. Par exemple, une grosse opportunité peut se vendre avec une réduction pour le client, nous décidons donc d’intégrer ce discount dès la création de l’opportunité dans notre CRM. Au Sales d’essayer de vendre au mieux.

Une mise à jour hebdomadaire

Les prévisions doivent être vivantes pour être précises et servir au mieux au pilotage. Ainsi, il est de la responsabilité des Sales et des Managers de le mettre à jour chaque semaine via des 1 :1.

La distinction des stratégies liées à la création d’opportunité et à leur avancement

Ces deux processus, bien que liés, n’opèrent pas de la même façon et nécessitent des stratégies uniques. Autrement dit, il faut parfois choisir ses combats et le forecasting vous y aide.

IV – L’influence des facteurs internes et externes sur le forecast

Le livre “Sales Management: Analysis and Decision Making” décrit plusieurs facteurs internes qui peuvent affecter la précision et l’efficacité des prévisions de vente. En voici quelques exemples :

a) Les Facteurs internes

Le territoire de vente :

Il est important de s’assurer que le potentiel d’un territoire commercial est correctement exploité par le Sales. Une inadéquation entre les comptes et le Sales peut conduire à une gestion inefficace ou limiter le potentiel de vente. 

Parmi ces risques, ceux (1) d’attribuer des comptes complexes à un commercial junior ou (2) de donner trop de comptes à un Sales qui ne pourra pas les gérer correctement (amputant ainsi le potentiel du territoire). Pour y répondre, nous avons travaillé au sein de Partoo sur notre Territory Management afin d’assurer la meilleure répartition possible. Ainsi, les comptes sont attribués en fonction de critères qui viennent pondérer le territoire : taille du compte, présence d’un concurrent, secteur…

La taille de l’équipe

Une équipe plus grande implique des enjeux de communication et de coordination plus importants. Si une équipe plus nombreuse permet théoriquement de générer plus de ventes, la taille de l’équipe et sa structure (y compris le management intermédiaire) peuvent parfois ralentir l’exécution et nuire aux ventes.

Chez Partoo, nous veillons à ce que l’équipe commerciale reste la plus agile possible avec des interactions entre tous ses membres. Chaque fois qu’un Sales a une information importante, il est encouragé à la partager au reste de l’équipe (Slack). Les réunions hebdomadaires sont aussi l’occasion d’échanger autour des bonnes pratiques. Le but : faire tomber les barrières à une bonne communication. Pour aller plus loin : Motiver une équipe Sales : 10 initiatives concrètes mises en place chez Partoo

La rémunération

La motivation de la force de vente est souvent liée au modèle de rémunération. Le salaire fixe, les commissions, les bonus et autres incitations peuvent influencer les ventes, positivement ou négativement.

Afin d’éviter le phénomène du “sandbagging” (frigo)  nous avions décidé de ne mettre aucun plafond à la rémunération variable. Mieux, lorsque les objectifs sont dépassés, le commissionnement double. Les Sales ont donc tout intérêt à aller chercher les deals jusqu’aux derniers. Sur ce sujet, n’hésitez pas à vous référer à cet article Tribes : Comment définir la rémunération variable d’une équipe sales en SaaS ?

Les produits & Services

C’est peut-être le point le plus évident mais la nature des produits et services que vous vendez aura un impact sur vos ventes. Si vos produits sont dépassés par la concurrence ou présentent des défauts majeurs, vos ventes en seront affectées.

Nous connaissons les forces et faiblesses de nos produits et révisons régulièrement notre discours commercial. L’objectif est soit d’anticiper les objections soit d’appuyer sur les éléments qui font la réputation de Partoo. Chaque Sales est tenu de remonter les infos marché qu’il détient afin que nous puissions construire le meilleur discours possible.

b) Facteurs externes

La concurrence

À l’exception de quelques privilégiés, tout le monde doit faire face à la concurrence. Ainsi, vos ventes peuvent être affectées par les stratégies commerciales de vos concurrents (guerre des prix, différences de fonctionnalités, etc.).

A la mode des entreprises américaines, nous avons construit des battlecards (sorte de carte d’identité) de nos concurrents. Dès qu’un Sales détient une information, il la partage pour que nous puissions apporter la meilleure réponse. L’objectif est de le faire le plus rapidement possible.

L’offre et la demande

Un classique de la théorie économique mais qui reste crucial. Si vos produits ou services sont en forte demande, cela peut influencer positivement votre forecast.

Exemple : durant la crise du Covid, la digitalisation a explosé. Avant ça, des sujets tels que la blockchain, le métavers et plus récemment, l’intelligence artificielle ont offert une formidable opportunité pour les entreprises spécialisées dans ces domaines. 

La saisonnalité

La plupart des ventes connaissent des variations saisonnières, soit parce que le produit lui-même est saisonnier (par exemple, les ventes de chocolat à Noël et à Pâques), soit en raison de facteurs tels que les process des clients (exemple : l’utilisation des budgets restants en décembre).

Nous avons isolé toutes les industries avec lesquelles nous travaillions et avons détecté les moments forts pour chacune d’elles. Nos équipes Marketing/Ops allaient jusqu’à nous envoyer des notifications (Slack) sur la tenue à venir de salons pour tel ou tel secteur. Également, sur la base de notre historique de vente, l’équipe commerciale peut être notifiée quelques semaines en avance lorsque nous approchons d’une période généralement propice aux ventes pour un secteur particulier.

La force majeure

Il s’agit d’un évènement que vous ne pouvez pas prévoir et qui est assez important pour transformer profondément votre activité. C’est par exemple le cas du Covid ou encore de la Guerre en Ukraine.

Côté Partoo, nous répondons à ces « black swan » par davantage d’agilité. Le but étant de récupérer de l’information le plus vite possible, dès qu’un Sales en a. Ainsi, avec davantage de données nous pouvons modifier notre stratégie et rééquilibrer nos actions.

Il est évidemment difficile de prendre en compte tous ces facteurs à la fois mais plus vous êtes conscient de ces éléments et pouvez les intégrer dans vos prévisions, plus votre forecast sera précis. C’est aussi et surtout des leviers sur lesquels vous pouvez agir.

V – Ce que notre stratégie de forecasting a apporté

Une fois que vous avez une compréhension claire de votre prévision et de sa construction, vous êtes à présent très bien aidé pour le pilotage de l’activité. En d’autres termes, vous pouvez prendre des décisions basées sur des informations précises. Il est essentiel de rappeler que les prévisions sont dynamiques et ne doivent pas être considérées comme des données statiques uniquement destinées aux dirigeants. Voici quelques bénéfices:

a) Niveau management : un meilleur pilotage

Prise de décisions stratégiques basées sur les prévisions : 

Le forecasting permet d’obtenir une projection détaillée et précise de l’évolution de votre activité. En analysant ces données prédictives, vous pouvez évaluer la nécessité d’ajuster votre stratégie actuelle comme intensifier la prospection si les ventes prévues sont faibles. Cette action proactive permet de limiter les périodes de ralentissement et d’optimiser les opportunités de croissance.

Gestion optimale des recrutements

Les techniques de prévision, telles que l’analyse multivariée, peuvent anticiper les fluctuations de l’activité commerciale et par conséquent, les besoins en recrutement. Si les ventes prévues sont en hausse, cela peut indiquer la nécessité d’accroître les effectifs. À l’inverse, une prévision de baisse pourrait signaler une surcapacité, permettant d’éviter des recrutements superflus et des coûts inutiles.

Allocation efficace des ressources

Si vos prévisions, basées sur des méthodes comme l’analyse de séries temporelles, anticipent une performance de vente positive, cela peut signifier que vos stratégies de vente actuelles sont fructueuses. Par conséquent, vous pourriez déployer davantage de ressources vers d’autres domaines stratégiques, comme le développement de produits ou l’amélioration du service client. De plus, avoir une vision claire des ventes à venir permet de prioriser les tâches et de gérer efficacement le temps et les efforts.

Orientation de la formation en fonction des défis identifiés

Si votre prévision révèle des zones d’amélioration dans votre processus de vente, cela peut servir de guide pour cibler vos efforts de formation. Par exemple, un taux de conversion de prospects en clients plus faible que prévu pourrait indiquer la nécessité de renforcer la formation de votre équipe de vente en techniques de clôture.

b) Niveau Sales : de meilleures performances et une plus forte responsabilisation

Éviter la gestion à court terme

Le forecasting permet une vision à long terme de la performance des ventes, favorisant une planification stratégique plutôt qu’une gestion réactive et à court terme. En se basant sur des techniques de prévision avancées, les équipes de vente peuvent anticiper les tendances du marché et les fluctuations de la demande, évitant ainsi le “pilotage à vue”.

Favoriser la confiance et la sérénité

En fournissant une vision claire et basée sur des données de l’évolution probable des ventes, le forecasting peut contribuer à réduire l’incertitude et à renforcer la confiance des équipes de vente. Cela permet aux commerciaux de se concentrer sur la réalisation de leurs objectifs avec une meilleure compréhension des défis et opportunités à venir.

Promotion de l’autonomie et de la responsabilité des vendeurs

Grâce à des prévisions de vente précises, les commerciaux disposent d’éléments objectifs favorisant leur responsabilisation. Ils peuvent ainsi s’auto-challenger pour devenir les meilleurs acteurs du forecast de l’entreprise.

Adoption d’une vision globale du pipeline de vente

Au-delà de l’attention portée aux opportunités prises une par une, le forecasting encourage une perspective plus large de la gestion du pipeline de vente. Il aide à identifier les modèles de comportement des clients et les tendances plus larges, fournissant ainsi des informations précieuses pour la stratégie de vente et l’identification de nouvelles opportunités.

Conclusion

A notre niveau et au fil des années, nous avons cherché à nous donner davantage de visibilité. Chacun des points évoqués précédemment a fait l’objet d’itération, d’aller-retour et d’amélioration. Nous avons aussi dû les confronter à la réalité terrain afin de juger de la performance.

Aujourd’hui, grâce au travail de personnes clés au sein de Partoo (Vincent Coirier et Clément Bouillaud, entre autres), le forecast prend une place importante dans l’activité commerciale… et c’est pour le meilleur.