Clause d’inaliénabilité, tag along, drag along, BSA ratchet, vesting period, clauses de contrôle et d’anti-dillution…. Dans cet article, nous avons cherché à clarifier toutes les questions sur le vaste sujet du pacte d’actionnaire et ses différentes clauses, d’un point de vue légal et juridique.

A quoi sert un pacte d’actionnaire ?

Dans une start-up, quel que soit son stade de développement ou sa maturité (seed, early stage ou growth), la mise en place d’un pacte d’actionnaires est indispensable dès lors qu’elle comporte plus d’un associé afin de régir les relations entre eux. Selon la typologie des actionnaires composant le capital de la société (investisseurs financiers, manager ou fondateurs historiques), le pacte devra répondre à des intérêts et objectifs qu’il conviendra d’identifier précisément.

Le pacte aura ainsi vocation à :

  • définir les règles de gouvernance au sein de la société : répartition des rôles/pouvoirs entre associés de même qualité ou de qualité différente, gestion du process décisionnel et des situations de blocages, etc. ;
  • encadrer le transfert de titres et la sortie des associés  : par exemple, deux associés fondateurs initiaux d’une start-up, ouvrant le capital de la société à un troisième associé pour développer une partie du projet, peuvent craindre qu’avec le temps, leurs objectifs ou leurs attentes divergent, et pourront vouloir s’assurer que cet associé ne puisse pas se maintenir au capital et/ou ne cède pas ses titres à n’importe qui ;
  • assurer la liquidité des titres : lorsqu’un investisseur, que ce soit un business angel, un fonds ou simplement un proche dans le cadre de love money, entre au capital d’une société, celui-ci pourra souhaiter s’assurer d’une certaine liquidité des titres qu’il détient afin de pouvoir sortir du capital passé un délai ou en cas de survenance de certains événements [1] ; ou
  • intéresser l’équipe managériale/fondateurs à continuer à développer le projet : un business angel ou un fonds de venture capital investit dans un projet en fonction de la personne des fondateurs et de l’équipe qui porte le projet ainsi que du business plan et des projections financières qui lui sont présentés.

Si le pacte est souvent envisagé au moment d’une première levée de fonds, il est fortement recommandé de mettre en place un pacte d’actionnaires dès lors que la société comporte plusieurs associés, afin de fixer les règles de gestion et de gouvernance de la société et d’anticiper toute situation de sortie d’un associé.

La rédaction d’un pacte nécessite que les associés s’interrogent préalablement sur le contexte, leurs objectifs et leurs attentes :

  • la rédaction du pacte intervient-elle lors de la constitution de la société, de l’entrée au capital d’un nouvel actionnaire manager ou encore de l’entrée au capital d’un investisseur (minoritaire ou majoritaire) ?
  • Les actionnaires de la société recherchent-ils principalement à retirer de ce projet un bénéfice financier ou au contraire souhaitent-ils principalement s’investir dans ce projet pour le développer et conserver une totale liberté dans la gestion de leur projet ?

Tout cela est à prendre en compte afin d’ajuster les clauses  à chaque situation.

Finalement, le pacte d’actionnaires recouvre plusieurs utilités :

  • la gestion du capital et la liquidité des titres ;
  • l’organisation de la gestion et de la gouvernance de la société ; et
  • l’intéressement et le contrôle des fondateurs ou managers.

1. Les clauses relatives au capital et à la liquidité des titres

La panoplie des clauses relatives au capital est assez large et va autant intéresser les fondateurs que les investisseurs financiers.

Les clauses standards :

On y retrouve de façon assez systématique :

Une clause d’inaliénabilité

Permet d’assurer une certaine stabilité de l’actionnariat. Le principe est que tout ou partie des associés s’engagent à ne pas céder leurs titres. Suivant les cas, cela permet de rassurer les investisseurs qui s’assurent que les fondateurs restent actionnaires dans la durée et continuent à apporter à la société leurs compétences, et/ou que les investisseurs ne cèdent pas leurs titres. Cette clause devra toutefois être limitée dans le temps et supporter des exceptions (par exemple, une respiration de 10% au bénéfice du fondateur ou des cessions autorisées notamment à une holding familiale qui s’interposerait dans la détention capitalistique du fondateur) ;

Une clause de préemption

Permet d’assurer à tout ou parties des actionnaires un droit prioritaire sur le rachat des titres qui seraient cédés par un ou plusieurs autres actionnaires à un tiers acquéreur. Dans une telle hypothèse, l’actionnaire vendeur devra notifier préalablement à la cession sont projet aux autres actionnaires, qui pourront alors se porter acquéreur dans les mêmes conditions que la vente proposée au tiers acquéreur.

Une clause d’agrément

Cette clause oblige celui qui souhaite vendre à obtenir préalablement l’accord  des autres associés sur l’identité du potentiel acquéreur et toute cession qui interviendrait en violation de cette clause serait nulle. Pour des questions d’efficacité et d’opposabilité aux tiers, il est conseillé d’insérer également cette clause dans les statuts de la société.Par ailleurs, afin de limiter les risques de litiges sur la valeur des titres en cas de refus d’agrément, il est conseillé de prévoir le recours à un expert;

Une clause de sortie conjointe (tag along)

Les actionnaires minoritaires de la société pourront exiger que les actionnaires majoritaires souhaitant céder tout ou partie de leurs titres à un tiers  obtiennent que le tiers acquéreur rachète également leurs actions aux mêmes conditions ; et

Une clause de cession forcée (drag along

Permet à un majoritaire (ou groupe de majoritaire) représentant un pourcentage important du capital (généralement 90 ou 95% selon la structure de l’actionnariat) d’obliger les minoritaires à céder également leur participation en cas de projet de cession à un tiers de l’intégralité des titres de la société.

Au-delà de ces clauses assez classiques dans un pacte d’actionnaires, d’autres mécanismes contractuels peuvent être mis en place afin de contrôler le capital et assurer la liquidité des titres.

Les clauses de liquidité et anti-dilution

Clause de cession ou de liquidation préférentielle

La plupart des investisseurs voudront s’assurer de récupérer leur mise en cas de cession ou de liquidation de la société. Pour cela, ils réclameront l’insertion d’une clause de cession ou de liquidation préférentielle. Cette clause permettra donc à l’investisseur de s’assurer qu’il bénéficiera du versement prioritaire d’au moins une partie du prix de cession (ou du boni de liquidation) par priorité sur les associés fondateurs.

Ainsi, le pacte prévoira un ordre de répartition du prix de cession, de telle sorte que (i) en premier rang, chaque actionnaire récupère le montant nominal de ses actions, (ii) en second rang, l’investisseur est payé à hauteur du montant total qu’il investit moins le nominal perçu au premier rang ; en troisième et dernier rang, le reliquat soit réparti entre les fondateurs uniquement au prorata (clause dite de « non participating») ou entre tous les actionnaires (incluant les investisseurs) au prorata (clause dite de « participating »). On ne peut qu’attirer l’attention des fondateurs sur une relecture attentive de cette clause et les inciter à négocier qu’une fraction du prix de cession soit intégrée dans le premier rang, de telle sorte qu’il reçoive un minimum du prix de cession en sus de la valeur nominale des actions vendues.

Clause de liquidité

Outre le paiement préférentiel sur le prix de cession, les investisseurs peuvent également demander l’ajout de clauses de liquidité, leur permettant de sortir de la société en cas de survenance d’un événement ou passé un certain délai. Ici aussi, les fondateurs devront se montrer attentifs à la rédaction de ces clauses et encadrer les droits des investisseurs.

Il serait par exemple légitime pour un fondateur d’imposer à l’investisseur qui se réserve une telle faculté de sortie, que celui-ci lui consente une option d’achat sur ses titres lorsque l’événement déclencheur dépendrait de la seule volonté de l’investisseur (par exemple, un investisseur qui se réserverait le droit de sortir de façon discrétionnaire ou dans un délai très court). Dans cette hypothèse la valeur de rachat des titres pourra être fixée au prix auquel l’investisseur à souscrit les titres (l’empêchant ainsi de faire une plus-value).

Clauses anti-dilution

Egalement, il est possible de voir apparaître dans un pacte une clause dite d’ « anti-dilution » par laquelle l’actionnaire majoritaire s’engage à réserver lors d’un nouveau tour de table une partie de l’augmentation de capital à l’investisseur financier afin qu’il maintienne sa détention au capital. Attention toutefois à encadrer cette clause de telle sorte qu’elle ne conduise pas le fondateur à céder lui-même une partie de ses actions à l’investisseur ou ne pas souscrire à l’augmentation de telle sorte qu’il serait lui-même dilué et perdrait la majorité du capital social. Par parallélisme, les fondateurs seront également en droit de demander l’insertion d’une clause de relution qui prévoirait l’attribution de BSPCE ou de BSA ou la mise en place d’un plan d’actions gratuites lors de prochains tours afin d’éviter toute dilution de leur part et d’assurer qu’ils se maintiennent au capital.

BSA Ratchet

Enfin, les investisseurs peuvent également demander la mise en place d’une clause de « ratchet », dont l’objet est de corriger la valorisation de leur participation en cas de nouvelle levée de fond à un prix inférieur au prix du tour initial. Cela prendra en pratique la forme de BSA « ratchet » attachés aux actions souscrites par l’investisseur et qu’il pourra souscrire à la prochaine levée de fonds à leur valeur nominale et lui donnant droit à un nombre d’actions nouvelles (déterminées selon une formule mathématique identifiée dans le pacte).

Le jeu de la négociation permettra au fondateur de soumettre l’exercice des BSA ratchet à la condition que l’investisseur qui en bénéficie souscrive au nouveau tour à hauteur au moins de sa participation (mécanisme de « pay to play »). Si un tel mécanisme de ratchet amène un risque de dilution des fondateurs, celui-ci pourra permettre de faciliter l’acceptation par les investisseurs d’une valorisation pre-money[2] plus importante.

Focus sur la clause de « vesting period » :   Dans le cadre d’une start-up qui accueillerait un nouvel associé « manager » au capital, il peut être intéressant de prévoir un mécanisme d’intéressement de ce dernier à la société par un mécanisme de « vesting ».   L’idée du « vesting » est de motiver le nouvel associé à rester dans la société un minimum de temps.   Prenons l’exemple d’un associé opérationnel, arrivant dans la start-up pour développer la communication ou la commercialisation d’un produit. Les associés fondateurs initiaux peuvent choisir de l’intéresser en le faisant accéder au capital. Pour ce faire, ils pourront en pratique soumettre cette accession au capital à différents « plateaux » avant que ce nouvel associé n’obtienne 100% des actions auxquelles il devrait avoir droit. Concrètement, cela prend généralement la forme de BSA attachés aux actions souscrites par le nouvel associé. Dans l’hypothèse d’une « vesting period » de 3 ans, cet associé pourra exercer ses BSA chaque année ou chaque semestre pour obtenir 33% (ou 16,67%) supplémentaires d’actions.  

2. Les clauses relatives à la gestion et à la gouvernance de la société

Si le pacte joue un rôle important pour gérer l’évolution du capital, celui-ci est également très important dans la gestion de la société et l’organisation de sa gouvernance.

La mise en place d’une gouvernance

Un investisseur financier qui entre au capital d’une société ne souhaitera pas s’investir dans la gestion quotidienne de la société. Néanmoins, il aura besoin de s’assurer que les fonds qu’il met à disposition de la société seront utilisés d’une façon conforme à la stratégie qui a été fixée et que la gestion de la société lui permet de prospérer. Il souhaitera donc que la gouvernance de la société soit organisée de façon à avoir un droit de regard ou de veto sur certaines décisions stratégiques de la société.

La mise en place de cette gouvernance passe habituellement par la séparation des fonctions entre :

  • un organe collégial appelé conseil ou comité stratégique dans les sociétés par actions simplifiées et conseil d’administration ou directoire dans les sociétés anonymes, lequel sera composé des associés fondateurs et des investisseurs, et qui aura un pouvoir de contrôle sur la gestion de la société ; et
  • un poste président dans les sociétés par actions simplifiée et un directeur général dans les sociétés anonymes, étant souvent occupé par l’un des associés fondateurs, qui a un pouvoir de gestion de la société.

L’un des points essentiels concernant cet organe collégial est sa composition. Un investisseur souhaitera nommer une partie des représentants et y obtenir une majorité des droits de vote, ce qui peut faire craindre aux fondateurs une perte de liberté et d’autonomie dans la gestion de leur société.

Un équilibre devra donc être trouvé entre le besoin de contrôle de l’investisseur et le besoin de souplesse et réactivité des fondateurs. En pratique, il est usuel de prévoir que le président ou le directeur général disposera des pouvoirs les plus étendus dans la gestion de la société, à l’exception de certaines actions/décisions importantes ou stratégiques qui nécessiteront l’accord préalable de cet organe collégial : approbation du business plan et du budget de la société, décision d’investissement ou d’emprunt supérieur à un montant fixé à l’avance, émission de valeurs mobilières et opération sur le capital, recrutement de salariés pour une rémunération supérieure à un certain seuil, rémunération des cadres de la société, distribution de dividendes…

L’investisseur financier minoritaire au capital mais majoritaire au sein de l’organe de gouvernance pourra donc bloquer certaines décisions. Cela est légitime au regard de l’importance de son investissement financier, mais le fondateur devra s’assurer que cela ne risque pas de freiner de manière disproportionnée ou de bloquer le développement de son projet. Il pourra donc négocier des droits de vote double ou éventuellement qualifier les décisions afin de limiter celles qui pourront être soumises au véto de l’investisseur financier[3].

La mise en place de reporting et d’obligations d’information

Ici encore, l’investisseur financier souhaitera avoir un droit de regard sur la tenue des comptes et l’évolution du business plan de la société. Il sera donc assez usuel que les investisseurs demandent à ce que soient remis des projets de comptes sociaux, de budgets provisionnels et de business plan révisés, ainsi que des informations sur les flux de trésorerie et emplois et ressources de la société.

Ces éléments de reporting, aussi compréhensifs soient-ils pour l’investisseur financier ne doivent toutefois pas être imposés dans des délais ou formes trop contraignants. Aussi ces derniers devront-ils être limités dans leur régularité et dans les délais de remises à l’investisseur.

Il est également fréquent que les partenaires financiers réclament la possibilité de réaliser un audit de la société. Il est recommandé d’être attentif à la rédaction de cette clause. En effet, ces audits doivent être limités dans le temps (pas plus d’une fois par an), être demandés de façon raisonnable et/ou justifiée et les frais doivent être pris en charge par l’investisseur qui en fait la demande et ne doivent donc pas peser sur la société.

L’anticipation des situations de blocage ou de conflit entre les actionnaires

Si l’on s’associe toujours pour le meilleur, certains différends peuvent naître entre les associés d’une société (entre fondateurs, entre investisseurs ou entre fondateurs et investisseurs). Cela peut arriver en raison de divergences sur la gestion de la société et sur le développement du projet, ou pour des querelles parfois plus personnelles (lorsqu’un nouvel associé manager entre au capital mais dont l’état d’esprit ou la motivation divergeraient trop des associés fondateurs historiques).

Ces situations peuvent parfois générer un véritable blocage du fonctionnement de la société et donc de l’évolution du projet porté par la start-up. Certains outils peuvent être ainsi prévus dans le pacte afin d’anticiper ces situations avec par exemple une obligation de concertation ou de conciliation en cas de conflit entre associés.

Clause de “buy or sell”

Une clause plus contraignante, et qui n’est pas sans risque pour les fondateurs, concerne le cas de la clause de « buy or sell », qui offre la possibilité à un actionnaire A de demander le rachat des parts détenues par un actionnaire B pour un prix convenu à l’avance. En cas de refus par l’actionnaire B de céder ses titres, l’actionnaire A pourra contraindre l’actionnaire B à lui racheter ses titres au prix initialement proposé. Cette clause est habituellement mise en œuvre en cas de conflit grave entre actionnaires (que ce soit entre des co-fondateurs ou avec un investisseur) afin de mettre fin à une situation de blocage. Dans cette hypothèse, celui qui bloque devra soit racheter les titres de l’autre actionnaire, soit, s’il ne le fait, lui vendre ses titres. L’appréciation de cette clause dans un pacte avec un investisseur reste délicate et doit être appréhendée avec soin par le fondateur, qui pourra se trouver dans une situation de pression financière car ce dernier n’aura pas nécessairement les moyens de procéder à ce rachat.

3. Les clauses relatives aux fondateurs et managers

Bien souvent, la première réflexion lorsqu’on pense au terme de « pacte d’actionnaires » conduit aux clauses de contrôle du capital et à la gouvernance de la société. Il existe toutefois un certain nombre de stipulations qui vont intéresser les fondateurs et qui ne doivent pas être négligées.

L’incitation du fondateur à développer la société

Les investisseurs financiers pourront parfois imposer aux fondateurs d’atteindre des objectifs afin que ces derniers restent au capital ou apportent leur soutien financier. Cela pourra prendre la forme d’un chiffre d’affaires ou d’un nombre de clients à atteindre dans un certain délai. Si cela peut s’avérer vertueux afin de motiver les fondateurs ou managers, ces éléments chiffrés doivent être préalablement discutés et validés en accord avec les fondateurs afin d’éviter de placer des objectifs qui ne seraient pas tenables.

De façon très classique, on retrouve également dans ces stipulations les clauses dites de « good and bad leaver ». C’est ici le comportement du fondateur qui sera sanctionné en cas de survenance de certains événements, tels que son licenciement, la révocation de son mandat social ou le manquement à certaines obligations contractuelles. Dans ce cas, en cas de faute du fondateur, celui-ci sera considéré comme un « bad leaver » et devra céder ses titres à l’investisseur à leur valeur nominale. Les fondateurs devront ici être attentifs à la rédaction de ces clauses afin que le caractère fautif qui leur serait imputable soit suffisamment défini et que son appréciation ne dépende pas uniquement de l’investisseur financier. Cet aspect « bad leaver » devra également être atténué avec le temps afin de récompenser son investissement passé.

On notera également que les fondateurs pourront négocier une clause de rétrocession de « super plus-value ». Une telle stipulation permettra aux fondateurs de toucher une partie du retour sur investissement de l’investisseur financier lorsque celui-ci serait très supérieur à celui attendu en fixant un seuil à l’avance. L’investisseur financier devra ainsi rétrocéder aux fondateurs la fraction de son retour sur investissement qui serait supérieur audit seuil. Il s’agit d’un élément de forte motivation du fondateur qui devra être négocié par celui-ci, notamment sur la fixation du seuil à partir duquel il pourra bénéficier de cette clause.

Enfin, la clause de « vesting period » mentionnée ci-dessus participe également à l’arsenal contractuel permettant d’intéresser et de motiver des nouveaux actionnaires managers entrant au capital d’une start-up.

Les clauses de contrôle des fondateurs

Au-delà de l’intéressement et des récompenses pouvant être offertes aux fondateurs et managers, les investisseurs financiers souhaiteront s’assurer que ces derniers se consacrent au projet.

Cela pourra prendre la forme d’un engagement d’exclusivité, afin de s’assurer que les fondateurs se consacrent exclusivement à l’activité de la société et de clauses de non-concurrence[4] et de non-débauchage ou non-sollicitation. Ces clauses devront toujours être lues attentivement par les fondateurs afin d’en saisir les enjeux et les risques qui pèsent à leur encontre. Elles pourront faire l’objet d’aménagements afin d’en limiter l’application dans le temps et/ou à la survenance de certains événements préalablement identifiés.

Egalement, parce qu’un grand nombre de start-up sont assises sur un concept, sur une invention, sur un brevet ou une marque, des clauses relatives au droit de la propriété intellectuelles seront bien souvent insérées afin de s’assurer que la marque inscrite au nom du fondateur fasse l’objet d’une licence exclusive et que tout dépôt de marque ou brevet futur se fera au nom de la société et non du fondateur. Cette protection permet ainsi de s’assurer que l’élément substantiel de la société soit exploité et appartienne à la société (et non au fondateur lui-même).

Enfin, lors de certaines levées de fonds, certains investisseurs financiers souhaiteront s’assurer de la bonne foi des fondateurs et que ceux-ci consentent une garantie d’actif et de passif pour éviter toute mauvaise surprise passée leur entrée au capital. Cette garantie devra être rigoureusement négociée après une due diligence réalisée par l’investisseur, notamment en ce qui concerne ses modalités de mise en œuvre (en prévoyant notamment une franchise ou un seuil de déclenchement de la garantie, un plafond de l’indemnité qui serait due, une durée suffisamment courte ; etc.).

L’organisation des relations entre les fondateurs

Outre l’organisation des relations entre les actionnaires en présence d’investisseur, un pacte peut également avoir vocation à organiser les relations entre les fondateurs eux-mêmes.

Le fondement même de l’organisation de ces relations nécessite aux associés historiques de définir le rôle et la rémunération de chacun, sa participation dans le projet et de façon plus générale de partager entre eux la vision qu’ils ont du projet et les objectifs qu’ils souhaitent se fixer.

Ces clauses pourront ainsi avoir permettre d’organiser au plus près la société et le développement du projet : gestion des congés (afin de s’assurer par exemple que tous les associés ne prennent pas leurs congés en même temps), contre-signature des notes de frais et accord des frais pris en charge par la société, engagement de présence et d’implication dans la vie du projet (ainsi, il pourrait être prévu qu’un associé qui ne se présente plus aux réunions ou dans les locaux pendant une durée suffisamment longue s’engage à céder ses parts aux autres associés).

En l’absence d’investisseurs financiers, le pacte est aussi l’occasion de fixer la valorisation des titres et les modes de sorties des associés. En cas de sortie forcée d’un associé, cela permettra donc de s’assurer à l’avance que tout le monde s’est accordé sur le principe de la valorisation et donc d’anticiper tout litige à ce sujet.

A retenir :   Un pacte d’actionnaires doit s’adapter à la société et aux actionnaires qui la composent. S’il peut être vu comme une « intrusion » dans la relation entre les actionnaires, il n’est qu’un outil qui servira à anticiper le futur et toute situation critique qui pourrait nuire à la société.   Pour les fondateurs qui se lancent dans la négociation d’un pacte dans le cadre de l’entrée de nouveaux investisseurs financiers, ou même d’un nouvel associé « manager », il est conseillé de déterminer en amont ce qu’ils attendent du pacte et d’identifier précisément leurs objectifs ainsi que les éléments qu’ils souhaitent y voir figurer. Cela leur permettra d’anticiper la négociation du pacte et donc d’élaborer une meilleure stratégie de négociation.   Après une première lecture du pacte, nous vous conseillons de dresser une liste de points durs et une liste de points plus souples. Au fur et à mesure de la négociation, vous pourrez ainsi acceptez les points qui vous sont acceptables et marquer vos positions sur des points durs.  

Notes

[1] Ainsi, un business angel investit généralement à un stade peu mature d’une start-up, pour lui apporter des fonds nécessaires à son amorçage, partager son expérience et son réseau, avec la volonté de sortir à court ou moyen terme ou en cas d’une levée de fonds. Un fonds quant à lui aura vocation à participer au projet pour une durée à moyen ou long terme selon sa stratégie.

[2] Valorisation financière d’une entreprise ou d’un actif avant l’investissement ou l’augmentation de capital utilisée afin de déterminer combien d’actions les investisseurs vont demander pour leur investissement dans la startup.

[3] On peut également imaginer de fixer des décisions à la majorité simple ou à la majorité qualifiée selon la répartition des droits de vote des membres de l’organe de surveillance (notamment en cas de plusieurs fonds), de telle sorte que le fondateur puisse faire passer certaines décisions avec l’appui de certains fonds et que seules les décisions les plus significatives pour les fonds ne puissent faire l’exercice d’un droit de véto.

[4] Si ces clauses sont usuelles en matière de pacte, elles devront toutefois être encadrées afin d’être limitées dans le temps et l’espace et faire l’objet d’une indemnisation pécuniaire. Il est également possible de négocier pour que ces clauses soient sans effet si le fondateur quitte la société en tant que « good leaver », ou en tout cas que leur durée en soit diminuée dans ce cas.