Pourquoi faire un article sur ce sujet :

J’ai lancé Fleet début 2019 avec mon associé Sevan, aujourd’hui nous sommes une vingtaine et réalisons plus de 3M de CA actuellement tout en étant auto-financés.

Chez Fleet nous simplifions la location, la gestion et le renouvellement d’ordinateurs pour les Startups et PMEs.

A nos débuts nous avions avec nous une landing page et un Google Sheet. Nous faisions tout de A à Z, y compris la livraison des ordinateurs chez les clients. Nous avons rapidement été confrontés à certaines limites et avons décidé de faire évoluer notre modèle vers une boîte davantage “tech-enabled”. Pour les intéressés, cet article de Mediatech détaille davantage ce modèle.


J’ai constaté récemment que d’autres startups comme Pennylane prenaient ce virage. J’ai donc souhaité détailler les raisons de ce choix, le processus par lequel nous sommes passés et les avantages que cela nous a apporté.

1/ Lancer une offre de services

Lancer une offre de service est souvent un choix fort, qui selon moi dépend de plusieurs critères :

Le premier est les compétences des fondateurs. Un duo de fondateurs avec des profils marketeurs ou financiers n’aura pas le même type de MVP que des fondateurs comprenant un tech guy. Des profils business auront tendance à tout faire eux-même à l’aide d’une landing page. Les profils techs eux construiront une première version de plateforme tech.

Ce choix peut aussi être une opportunité d’adopter une démarche “Lean”. Ce processus a été inventé par Eric Ries dans son livre Lean Startup. L’objectif est d’apporter une solution rapidement à une problématique identifiée sans investir massivement dans un produit tech. Cette agilité permet de tester rapidement l’appétence de son marché. Lancer une offre de services est idéal pour prendre des retours clients rapidement.

offre de services
Concept du Lean Startup développé par Eric Ries

Lancer son offre de services peut aussi être une opportunité

Une opportunité de construire un produit au sein d’une boîte de services. Le cash dégagé par la partie services permet d’embaucher une première personne pour développer son produit. 37 signals en est un exemple.

Alors qu’ils avaient déjà un portefeuille de clients développé via leur offre de services, ils ont recruté David Heinemeier Hansson pour travailler 10h par semaine sur la construction d’un produit qui est aujourd’hui BaseCamp.

D’autres boîtes comme Hootsuite qui est issue de Memelabs ou Shopify qui était initialement un site e-commerce de snowboards on fait ce choix-là.

Ce choix peut présenter plusieurs challenges. Investir dans des talents qui pourraient générer de la croissance mais qui sont finalement destinés à un autre objectif, la construction du produit peut créer une frustration. 

Cela peut aussi créer une boîte à 2 vitesses. La partie services qui cherche à augmenter son portefeuille client. La partie tech qui cherche à construire un produit et ajouter des  features.

SaaS
Passer d’une offre de services à un SaaS

2/ Se Confronter aux limites d’une offre de services

Une offre de services présente différentes limites que ce soit dans la valeur apportée au client mais aussi lorsqu’on souhaite scaler son business model.

La valeur apportée aux clients par une offre de services reste limitée

Les entreprises aujourd’hui souhaitent de la simplicité, de la rapidité et des produits complets; de la proposition de valeur initiale jusqu’au SAV en passant par le Knowledge Center. Mais ils souhaitent surtout un produit accessible, à la demande, n’importe où, n’importe quand. Une offre de services apporte son lot de contraintes de ce point vue et ne peut généralement pas répondre à cette demande.

Une offre de services pose le problème de la scalabilité

Elle repose sur du capital humain. Comme le dit Arthur Waller dans Funding Crush,  un expert-comptable ne peut gérer qu’une trentaine de clients. Augmenter son portefeuille de clients reviendrait à diminuer le temps passé par client et diminuer ainsi la valeur qu’il apporte à chacun. Accélérer la croissance d’une entreprise d’experts comptables reviendrait donc simplement à recruter davantage et obligerait l’entreprise à être dépendante de son recrutement. 

Or de nos jours une entreprise qui souhaite scaler désire déployer à grande échelle sa solution, augmenter sa marge et devenir rentable (si elle ne l’est pas déjà). Ces limites incitent donc certaines entreprises à faire le choix d’investir dans un software.

Chez Fleet, 6 mois après notre lancement, on a décidé d’étoffer notre business

Afin d’apporter davantage de valeur à nos clients et leur simplifier la vie nous avons décidé de faire évoluer notre offre. Notre modèle étant majoritairement tourné autour de 3 thématiques : le financement, l’Obs et la Tech; trois possibilités d’investissement s’offraient à nous.

Investir sur la partie financière n’aurait eu que très peu de sens puisque nous travaillions déjà avec des partenaires financiers experts dans leur domaine. Investir dans la partie obs reviendrait à s’éparpiller (ordinateurs de remplacement, accessoires). Nous avons donc fait le choix d’investir davantage dans la tech.

Investissement
Mapping de nos possibilitées d’investissements

3/ Évoluer vers un modèle plus SaaS

Cette évolution d’une offre de services à une offre plus tourné SaaS repose sur plusieurs points clés :

Une évolution de son offre

Passer d’une offre de services à un SaaS implique de repenser complètement son offre. L’histoire racontée, le langage utilisé, le pricing tous les éléments de l’offre construits jusque-là doivent être revus. Udemy est passé d’une marketplace à un SaaS incluant une offre B2B. Yvonne Chen VP marketing explique ici que le plus gros challenge pour eux a été de passer à une offre destinée à des consommateurs à une offre destinée aux consommateurs et entreprises. Mais ce choix s’est avéré payant puisqu’ils ont 80% des Fortune 100 comme clients désormais.

Investir davantage dans la tech que la croissance implique aussi de standardiser son offre et de faire des choix : limiter le nombre d’options possibles pour le client afin de simplifier son offre. Chez Uber qui est une boîte très “product-oriented” il est par exemple impossible de les appeler que ce soit du côté du client ou du chauffeur. Leur objectif est que le client soit indépendant sur leur plateforme.

La tech :

Faire le choix du product first. Le monde d’aujourd’hui est un monde du produit, on le voit avec toutes les startups américaines qui n’ont finalement pas besoin de sales et qui sont adoptées par tout le monde (Notion, Slack). Leur produit est adopté par la force des choses, car la valeur apportée est telle qu’elles deviennent finalement un “must-have”. Pour faire évoluer son business il faut donc croire en la force de son produit, investir dans la technologie. Cela permet d’apporter plus de valeur au client, de se différencier et de créer une barrière à l’entrée. Marie Brayer détaille cette notion de product-first dans cet article.

Construire une équipe tech et avoir une roadmap produit ambitieuse. Si une offre de services ne nécessite pas d’investir massivement dans sa technologie, évoluer vers un modèle tech-enabled  requiert une équipe tech assez développée. Cela implique aussi d’axer sa proposition de valeur sur son produit, il faut donc rapidement structurer sa roadmap et prioriser ses projets : cet article de Lucas Didier détaille d’ailleurs comment créer et prioriser sa roadmap produit.

Une simplification de ses process :

Axer sa proposition de valeur sur son produit implique d’automatiser les tâches sans valeur ajoutée pour l’utilisateur afin de se concentrer sur la valeur apportée au client: proposer une facturation simplifiée, apporter de nouvelles features qui améliore son expérience…

La data :

Se baser sur la donnée récoltée pour construire ses premières features : Lancer un service, un produit, de manière rapide, agile permet de récolter des données sur ses utilisateurs. Nous avons d’ailleurs détaillé ce processus de récolte et de construction de notre stack data chez Fleet ici. Ces données permettent d’identifier les problématiques des utilisateurs, et de prioriser les features qui auront un réel impact sur l’utilisateur.

Une évolution de sa stratégie commerciale : 

Repenser sa stratégie commerciale : Passer d’une offre de services à un modèle tech- enabled implique de penser différemment. L’objectif est d’apporter de la valeur au client à travers un produit tech. Il faut du coup savoir faire évoluer sa proposition de valeur. Mettre en avant la valeur ajoutée apportée par le produit, et dépasser celle offerte par l’offre de services. Cela implique aussi de repenser la structuration de ses équipes commerciales. Définir le commercial qui effectue la démonstration produit, comment structurer son funnel commercial…

Thibaut Renouf détaille d’ailleurs ici les best practices pour réussir une démo produit. Cet article de Balderton détaille aussi comment structurer ses équipes selon sa phase de développement.

4/Les avantages d’un modèle SaaS

Améliorer la satisfaction des clients

Un modèle SaaS permet d’augmenter la valeur apportée au client, en lui simplifiant son processus d’onboarding, son expérience utilisateur, et apporter de nouvelles features. Celles-ci sont construites en fonction de leurs feedbacks et permettent donc de répondre à leurs problématiques.

Avoir un modèle financier stable. 

Si le modèle SaaS est aujourd’hui en pleine croissance c’est aussi pour la sûreté financière qu’il apporte. Il fournit un revenu prévisible et une croissance évolutive. Il permet ainsi de ne pas repartir de 0 à chaque mois et de disposer d’un revenu récurrent, le MRR. Le fonds Nine Four détaille ça dans cet article.

Étendre son buyer persona. 

Les features d’un produit sont plus ou moins utilisées selon les user persona et leurs utilisations; cela permet ainsi d’attirer des clients de profils différents et de s’attaquer à de nouvelles verticales, toucher de nouveaux marchés.

Arthur Waller de Pennylane explique par exemple qu’avoir lancé un produit tech leur a permis de toucher des clients qui sont satisfaits de leur comptable habituellement mais qui souhaitent avoir davantage d’outils pour piloter plus facilement leur comptabilité.

Un produit tech permet finalement d’apporter plus de valeur, à plus de clients, qui sont plus satisfaits.

Enfin la notion de SaaS enabled marketplace est aussi intéressante selon moi. Point Nine Capital la définit comme un business qui combine les caractéristiques des modèles SaaS et des modèles marketplaces. Un SaaS qui connecte deux ou plusieurs parties afin de conclure une transaction. 

Le fonds Point Nine a fait un mapping de l’écosystème qui comporte plusieurs boîtes françaises comme Doctolib ou Livementor notamment.

SaaS enabled marketplace

Conclusion

J’espère qu’avoir partagé mon expérience avec vous vous donnera des idées et envie de vous lancer ou de faire évoluer votre modèle. N’hésitez pas à me contacter sur Linkedin si vous souhaitez échanger davantage sur ce sujet !