La distinction start-up / scale-up est relativement floue : en effet ces notions varient fondamentalement si l’on se place du point de vue des clients (ex. passer de 10 à 10 000 users) ou du point de vue des équipes. Certains parlent de scale à 10 collaborateurs, d’autres à 50 ou même considèrent le passage à 200 voire 1000. De nombreuses problématiques, comme la vision ou les recrutements, sont communes à toutes les phases de croissance. Cependant, d’autres sujets opérationnels ont tendance à faire surface, au moment où il devient impossible de parler à tous les membres de l’équipe sur une même semaine… Vient alors une question simple : quels chantiers opérationnels prioriser lors du passage de 10 à plusieurs dizaines d’employés ?
1. Data et Knowledge Management pour scaler en start-up
Le premier constat lorsque le nombre de personnes augmente, c’est que l’information circule moins vite ! Au début, lors de la sortie d’une nouvelle feature ou d’un nouveau process, une annonce dans l’open space suffisait. La formation des nouveaux arrivants se faisait sur le tas et les connaissances de chacun différaient peu de la connaissance collective. Cependant, avec la croissance, trouver facilement l’information de manière autonome devient un vrai sujet.
Pour clarifier, il peut être utile de distinguer différents types d’informations : la maîtrise des process internes, l’expertise métier qui dépend de votre activité, et enfin la donnée brute (données clients, contrats, KPI, etc.). Pour chacune de ces “connaissances” l’enjeu est triple : la formalisation, l’accessibilité et la mise à jour.
Les process internes
Si l’on considère tout d’abord les process, le premier réflexe est souvent de prendre un doc word, de formaliser les différentes étapes et de le déposer sur une dropbox / un drive commun. Après quelques mois, il est alors assez facile de constater les limites en termes d’accessibilité et de mises à jour. Passer à du Quip, Notion ou Google doc simplifiera la mise à jour collaborative ; mettre en place un wordpress interne avec un moteur de recherche favorisera l’accessibilité ; d’autres outils comme Confluence existent pour aller plus loin.
Le Wiki interne de Partoo avec les articles par pôle métier
L’expertise métier
L’expertise métier est un tout autre sujet, car elle concerne à la fois l’interne et l’externe : chez Partoo, nous nous sommes appuyés sur le module Engage d’Intercom pour centraliser, sur un Help Center, une grosse partie de nos connaissances métier avec une centaine de FAQs. Ce Help Center sert aujourd’hui à la fois à l’éducation client et à la formation interne.
Le Data Management
Vient enfin la question du Data Management, problématique qui touche en réalité aujourd’hui toutes les entreprises de 10 à 20 000 employés. Il s’agit ici de définir les sources de vérités et de limiter la double saisie. L’uniformisation des différents référentiels (Sales, Customer Success, Finance…) est un vrai chantier : pour donner quelques exemples de sujets que nous avons pris en main chez Partoo, on pourra évoquer la mise en place d’une nomenclature commune de secteurs d’activité, l’uniformisation de certains attributs prospects et clients, le matching des ID clients et des factures, etc.
2. Focus produit et priorisation des développements
Avec la croissance du nombre d’employés, de clients et de features, les besoins en développements produits et techniques se multiplient. Trois grands sujets apparaissent alors : le maintien du focus, la priorisation des tâches et le besoin de visibilité sur les développements à venir.
Maintien du focus
Dans une start-up de quelques personnes, tout le monde participe activement à l’innovation, les idées sont testées très rapidement et les spécifications / études préalables au lancement sont limitées. Le taux d’échec est fort, mais le produit progresse et trouve son marché. Très vite, il devient cependant indispensable de prioriser les développements les plus prometteurs et qui collent le plus à la vision : garder le cap sans trop s’éparpiller est nécessaire. Chez Partoo, c’est à ce moment-là que nous avons remis le focus sur les personas et clarifié ce qu’on nous faisions et ce que nous ne faisions pas.
La priorisation
Parallèlement, vient souvent la constitution d’une véritable équipe produit, distincte de l’équipe R&D. Les feedbacks (bugs et feature request) qui se faisaient de manière informelle, commencent à se multiplier : c’est alors aux équipes produit de mettre en place les process de récoltes et de formaliser les méthodes de priorisation. Chez Partoo, nous récoltons maintenant les feedbacks par Google Forms qui génèrent automatiquement des cartes Trello. UPDATE avril 2020 : depuis la publication de cet article nous avons mis en place de nouveaux process de récolte, traitement et exploitation des feedback que nous décrivons en détails dans cet article.
Le besoin de visibilité
Définir et communiquer de manière efficace sur la roadmap est enfin une étape clé dans ce processus : l’enjeu est surtout de conserver de la flexibilité tout en donnant un maximum de visibilité sur les dates de mise en production – à la fois pour les équipes et pour les clients. Ce sujet complexe alimente de nombreux débats (méthode scrum, intérêt des deadlines, etc.) et fait donc l’objet d’articles bien plus précis que ce qui pourrait être évoqué ici.
Exemple d’un board Trello chez Partoo
3. Gestion RH : scaler, se structurer et conserver ses valeurs
La question du recrutement
La croissance amène rapidement la question du recrutement : Chez Partoo nous avons fortement accéléré sur ce sujet en passant de 10 à 40 employés en un an et demi et c’est un véritable challenge que de trouver les bons profils à un rythme aussi soutenu sans forcément passer par des cabinets de recrutements (autofinancement oblige).
Aussi, nous avons récemment décidé de recruter une personne à temps plein, pour professionnaliser la gestion RH (meilleure formalisation des fiches de postes, process de recrutement, standardisation de la politique salariale, onboarding des nouveaux arrivants, entretiens annuels…) et aussi libérer du temps aux managers pour qu’ils puissent se focaliser sur la formation / structuration de leurs équipes.
L’importance de la cohésion
La majeure partie des problématiques opérationnelles de scale est liée à la croissance du nombre d’employés, qui rend plus difficile la communication et la collaboration entre les équipes. Pour renforcer la cohésion il est alors utile de réaffirmer les valeurs et la vision : sur ce sujet, nous avons par exemple rédigé un Manifeste interne, afin de préciser notre approche de l’innovation, de l’apprentissage, des horaires, du travail en équipe, etc. Les valeurs et le manifeste sont ainsi présentés à tous les nouveaux arrivants et sont accessibles directement sur notre Help Center interne.
Si ce sujet vous intéresse, nous avons rédigé un article focalisé uniquement sur le sujet de la culture en start-up que vous pouvez retrouver ici.
Début de l’article interne sur les valeurs de Partoo
La structuration des équipes
Avoir un socle solide n’est cependant pas suffisant pour travailler efficacement à 30 ou 60 personnes. Il est en effet nécessaire de structurer les pôles pour conserver des équipes à taille humaine (le « two pizza team » de Jeff Bezos). En théorie, les organisations peuvent se structurer sur la base de différents rationnels : par fonction, par produit, par géographie, par typologie de clients, etc.
Chez Partoo, la réalité est un mix de ces différents rationnels. Si l’on prend l’équipe commerciale au sens large, elle est à la fois divisée par marché (grands comptes / commerçants indépendants), par pays (Espagne, France, Italie) et par fonction (SDR / marketing / sales). Le plus simple est finalement d’aller chercher de l’inspiration dans des entreprises plus matures et d’adapter ces bonnes pratiques à vos spécificités. Pour éviter de faire émerger des silos, les projets transversaux sont cependant traités par des squads qui intègrent des membres de différents pôles métiers.
4. Mettre en place les bons outils au bon moment
Faire les bons choix
Le dernier sujet qui mérite une attention particulière est le choix des outils internes : de nombreuses solutions existent sur le marché et certaines décisions peuvent avoir un impact sur l’opérationnel à long terme (cf. Notre article sur Les 20 outils que nous utilisons au quotidien chez Partoo)
Il serait interminable de lister et comparer l’ensemble des outils à disposition des start-ups. A toute fin utile, voici quelques sujets à considérer, que ce soit en finance (Clémentine, Evoliz, Quonto, Spendesk, Stripe, GoCardless, Payplug…), marketing (Prospect.io, Getmail, Mail Hunter, Babbler …), RH (Welcome To The Jungle, Payfit, Alan…), suivi client (Pipedrive, Saleseforce, Intercom, Zendesk, Wootric, Customer health…). Face à cette multitude de solutions, le plus simple reste de demander l’avis de sociétés qui ont déjà benchmarké les outils que vous cherchez : n’hésitez pas à vous inscrire à des chanels slack thématiques, des meet-ups, des groupes Facebook… nous avons testé et c’est là que nous avons trouvé les meilleurs conseils
L’importance de faire étape par étape
La mise en place de nouveaux outils prend du temps et peut représenter un investissement financier conséquent : il est donc préférable de séquencer.
Si on prend l’exemple d’un CRM en B2B, commencer sur un excel peut faire l’affaire sur les premiers mois. Cependant, le besoin d’un outil plus performant se fait rapidement sentir. Certains – comme nous l’avons fait chez Partoo – privilégieront la simplicité avec Pipedrive par exemple, d’autres préféreront investir dans un outil plus complet comme Salesforce. Après 4 ans sur Pipedrive, notre choix de migrer sur Salesforce s’explique notamment par la plus grande maturité de nos process commerciaux, mais suppose un chantier interne important. D’un autre côté, avoir plus de recul sur le sujet nous permet de nous lancer dans un paramétrage plus complet. Parallèlement, de nombreux outils peuvent s’avérer plus ou moins utiles. Le choix du timing se fera alors souvent d’un point de vue financier (ex. LinkedIn premium, Slack premium, Docusign, Last Pass premium, Yesware…).
Créer un écosystème d’outils
Il est aussi important de choisir des outils inter-connectables et complémentaires. Lors du choix d’une solution, nous essayons de ne jamais payer deux fois pour la même fonctionnalité. Cela peut paraître très basique, mais vu le nombre de fonctionnalités de certains outils comme Intercom ou Salesforce, personne n’est à l’abris de ce genre d’aberration. L’interconnexion, même très simple, est aussi un critère important de choix, ce qui nous a par exemple orienté vers le choix d’Alan après avoir mis en place Payfit.
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Finalement, le passage de 10 à plusieurs dizaines d’employés s’accompagne souvent d’un changement de mentalité : l’objectif n’est plus de valider le marché mais de maintenir la croissance en pensant long terme. Les sujets évoqués dans cet article ne sont clairement pas exhaustifs et leur importance dépend des spécificités de chaque situation. Cependant, l’approche pour passer à l’échelle reste sensiblement la même : chaque problématique ne doit pas être traitée de manière ponctuelle, mais doit trouver une solution maintenable dans le temps, qui améliore l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise pour les années à venir.