De plus en plus d’entrepreneurs qui vendent leur start-up ou réalisent des cash-outs en parallèle d’une levée, réinvestissent cet argent dans d’autres start-ups !

En parallèle l’investissement en start-up se démocratise… Beaucoup parlent de holding, de ré-emploi, de PEA, etc.

Mais qu’est ce que cela signifie ? Comment organiser son investissement ? Quels sont les montages fiscaux adaptés à chaque situation ?

Dans cet article, on va te présenter dans les grandes lignes, les principales options qui s’ouvrent à toi si tu souhaites investir en start-up.

Comme tu le verras, il existe de nombreuses possibilités et le choix le plus approprié dépendra systématiquement de ta situation personnelle, de tes objectifs et des caractéristiques de ton investissement.

Attention toutefois :

  • les règles applicables, en particulier en matière de fiscalité, évoluent de manière régulière. Il faut donc à chaque investissement systématiquement revérifier si des changements sont intervenus.
  • cet article ne présente pas toutes les options qui peuvent exister et ne rentre pas non plus dans une description exhaustive des règles fiscales applicables. Une fois que tu as identifié l’option qui te parait la plus appropriée, il est toujours recommandé de confirmer ce choix avec un expert, surtout si tu envisages des investissements pour des montants conséquents.

I) Investir en direct

a. Investissement simple

La première option, et la plus évidente, est tout simplement d’acheter ou de souscrire des actions d’une start-up à titre personnel sans passer par une holding ou un autre montage juridique spécifique.

C’est la solution la plus simple et qui conviendra au plus grand nombre. Et d’ailleurs, ce n’est pas parce que c’est la solution la plus simple qu’elle est forcément la moins avantageuse. 

Au contraire, les avantages sont nombreux:

  • Simplicité
  • Absence de frais
  • Possibilité de bénéficier de la flat tax (i.e. imposition par application d’un forfait de 30% plutôt que de payer l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales)
  • Pas de contraintes sur l’utilisation du produit de la revente au moment de la sortie
  • Possibilité dans certains cas de bénéficier d’une réduction d’impôt (voir paragraphe c)

Exemple d’investissement en direct:

  • M. X achète 100 actions ordinaires de la société S en 2022 pour 10.000 euros 
  • En 2025, dans le cadre d’une nouvelle levée de fonds de S, un fonds rachète les titres de M. X pour 25.000 euros qui réalise donc une plus-value de 15.000 euros
  • M. X dispose des 25.000€ directement sur son compte courant et devra s’acquitter des impôts sur la plus-value réalisée. En cas d’application de la flat tax l’impôt à régler sera de 4.500€. Il pourra utiliser les 21.500 euros restants soit pour ses projets personnels soit pour les réinvestir. 

Le principal inconvénient de cette solution est qu’il sera nécessaire de s’acquitter de l’impôt sur les plus-value réalisées au moment de la cession de l’investissement, même si le produit de cession est réinvesti ensuite. Dans l’exemple ci-dessus on voit bien que M. X ne pourra réinvestir que 21.500€ alors même qu’il aura touché 25.000€ pour la vente de ses titres.

b. Investissement via un PEA

Un moyen simple de réduire la facture fiscale en cas de sortie est de réaliser son investissement via un PEA (ou un PEA-PME). Si tu as déjà un PEA (par exemple pour investir en bourse) tu peux utiliser le même PEA pour effectuer des investissements dans des start-ups. 

L’avantage du PEA est que les plus-values réalisées ne sont pas imposées tant que les sommes restent sur le PEA. Par ailleurs, en cas de retrait de sommes d’un PEA qui a plus de 5 ans d’ancienneté, le taux d’imposition applicable est de 17,20% (au lieu de la flat tax de 30%).

Pour davantage d’informations sur le fonctionnement d’un PEA: https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2385

A noter en particulier que les versements sur PEA et PEA-PME sont respectivement plafonnés à 150.000€ et 225.000€. Ces deux plafonds ne sont pas cumulables. Ainsi, si tu as versé 150.000€ sur ton PEA, les versements sur ton PEA-PME seront limités à 75.000€. Il ne faut pas confondre ces plafonds avec la valeur du PEA qui elle n’est pas plafonnée.

Par exemple, si tu verses 150.000€ sur ton PEA et que tes investissements te permettent de faire x3, tu te retrouveras avec 450.000€ sur ton PEA que tu pourras continuer à investir. Selon les rumeurs de marché, certains BA particulièrement avisés auraient maintenant des PEA ayant des valeurs de plusieurs millions d’euros.

Pour pouvoir réaliser un investissement via un PEA il faut :

  • Que la start-up remplisse bien les conditions d’éligibilité au PEA / PEA-PME (à vérifier avec la start-up)
  • Que tu ne détiennes pas et n’aies pas détenu, à titre personnel ou via ton entourage familial, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital de la start-up concernée au moment de l’opération ou à un moment quelconque au cours des 5 dernières années.

Les écueils fréquents :

  • Il faut que l’investissement soit réalisé directement en utilisant les fonds du PEA. Il faut donc bien vérifier avec ta banque la procédure à respecter pour le versement des fonds. Il n’est pas possible d’acheter les actions avec des sommes hors PEA puis de transférer les actions vers le PEA après leur achat.
  • Les actions de préférence ne sont pas éligibles au PEA, il faut donc bien s’assurer que les actions souscrites sont des actions ordinaires.
  • Ta banque peut t’imposer des frais pour réaliser des opérations sur titres non-cotés dans un PEA ainsi que des droits de garde, il faut bien vérifier avec eux le montant de ces frais et le mettre en rapport avec le montant de ton investissement. 

Exemple d’opération via un PEA:

  • M. X achète 100 actions ordinaires de la société S en 2022 pour 10.000 euros via son PEA qu’il avait ouvert en 2018
  • En 2025, dans le cadre d’une nouvelle levée de fonds de S, un fonds rachète les titres de M. X pour 25.000 euros
  • M. X dispose des 25.000€ sur son PEA. Il peut :
    • soit garder les sommes et les réinvestir dans le cadre de son PEA, auquel cas il n’aura aucun impôt à payer pour l’instant et disposera donc de la totalité des 25.000€ pour effectuer de nouveaux investissements (c’est donc plus avantageux que le cas présenté au paragraphe a où M. X ne dispose que de 21.500€ à réinvestir). 
       
    • soit sortir les sommes de son PEA. La partie correspondant à une plus-value (15.000 euros) sera imposée à 17,20% (soit 2.580 euros d’impôts)

L’investissement en PEA est donc un bon moyen d’optimiser fiscalement un investissement dans une start-up de manière relativement simple. Sous réserve, on le rappelle, de bien respecter les contraintes associées aux PEA qui sont présentées dans les grandes lignes ci-dessus. 

c. Bénéficier d’une réduction d’impôt pour investissement dans une PME

Si tu investis au capital d’une start-up en direct en dehors de ton PEA (schéma décrit dans le paragraphe a), tu peux dans certains cas bénéficier d’une réduction d’impôt correspondant à 25% du montant de ton investissement.

Attention toutefois, il existe de nombreuses conditions pour pouvoir bénéficier de la réduction d’impôts, dont certaines sont relativement contraignantes.

L’ensemble des informations est disponible sur le site suivant: https://bpifrance-creation.fr/encyclopedie/aides-a-creation-a-reprise-dentreprise/aides-fiscales/reduction-dimpot-souscription-au

Il faut en particulier noter que:

  • La start-up doit remplir des conditions précises pour que l’investissement soit éligible (voir lien ci-dessus). Il faut ainsi demander à la société une attestation confirmant qu’elle remplit bien les critères.
  • L’investissement doit être fait dans le cadre d’une augmentation de capital (et non d’un rachat de titres existants).
  • Il faut s’engager à garder les titres 5 ans. Si les titres sont cédés dans les 3 premières années, la réduction d’impôts sera reprise par l’administration (i.e. le montant de la réduction qui avait été consentie sera rajoutée aux prochains impôts à payer). Si les titres sont cédés entre la 3ème et la 5ème année, il faut réinvestir dans les 12 mois le prix de cession (net d’impôts et de frais) dans une autre société éligible et conserver ces nouveaux titres jusqu’à l’expiration du délai de 5 ans (sinon la réduction d’impôts sera également reprise par l’administration).

Exemple 1 :

  • M. X achète 100 actions ordinaires de la société S en 2022 pour 10.000 euros. La société S remplit les conditions permettant de bénéficier de la réduction d’impôts
  • Sur ses impôts 2022 (payés en 2023), M. X bénéficiera d’une réduction de 2.500€.
  • En 2028, dans le cadre d’une nouvelle levée de fonds de S, un fonds rachète les titres de M. X pour 25.000 euros qui réalise donc une plus-value de 15.000 euros. La cession intervenant plus de 5 ans après l’investissement initial, la réduction d’impôt est définitivement acquise
  • M. X dispose des 25.000€ directement sur son compte courant et devra s’acquitter des impôts sur la plus-value réalisée. En cas d’application de la flat tax l’impôt à régler sera de 4.500€. 

Exemple 2 :

  • M. X achète 100 actions ordinaires de la société S en 2022 pour 10.000 euros. La société S est éligible aux conditions permettant de bénéficier de la réduction d’impôts.
  • Sur ses impôts 2022 (payés en 2023), M. X bénéficiera d’une réduction de 2.500€
  • En 2026, dans le cadre d’une nouvelle levée de fonds de S, un fonds rachète les titres de M. X pour 25.000 euros qui réalise donc une plus-value de 15.000 euros. La cession intervenant plus de 3 ans et moins de 5 ans après l’investissement initial, M. X devra réinvestir l’ensemble du produit de cession (net de frais et d’impôts) dans une autre société éligible pour que la réduction d’impôts dont il a bénéficié ne soit pas remise en cause.
  • M. X dispose des 25.000€ directement sur son compte courant et devra s’acquitter des impôts sur la plus-value réalisée. En cas d’application de la flat tax l’impôt à régler sera de 4.500€. M. X devra donc réinvestir les 21.500€ restants dans les 12 mois

Ce mécanisme de réduction d’impôt peut être intéressant mais il est contraignant. Si l’investissement envisagé est à horizon court / moyen terme (moins de 5 ans), il faudra évaluer l’opportunité de demander la réduction d’impôt.

II) Investir via une holding personnelle

Même si cela fait moins de travail pour les avocats, il est important de démystifier d’emblée la holding personnelle. Elle n’est pas adaptée à toutes les situations et ne permet pas forcément de faire des économies d’impôts. Au contraire, un schéma mal pensé peut venir significativement augmenter la facture fiscale. De manière générale, et sauf à bénéficier de régimes fiscaux particuliers (que je vais pour certains évoquer plus bas), empiler les strates juridiques est synonyme de cumuler les strates d’impôts. 

Un exemple simple montre bien les complexités qu’impliquent une holding.

Exemple d’investissement via une holding

(schématisé à titre d’exemple uniquement car les calculs exacts sont plus complexes):

  • M. X constitue une holding H avec un capital de 10.000 euros
  • La holding H achète 100 actions ordinaires de la société S en 2022 pour 10.000 euros
  • En 2025, dans le cadre d’une nouvelle levée de fonds de S, un fonds rachète les titres de la holding H pour 25.000 euros qui réalise donc une plus-value de 15.000 euro
  • Partons du principe que la holding ne dispose d’aucun régime fiscal de faveur, la plus-value sera imposée à l’impôt des sociétés au niveau de H (15% jusqu’à 38.120 euros de bénéfices puis 25% au-delà). Dans notre cas retenons un taux de 15% soit 2.250 euros d’impôts à payer par la holding.
  • Si M.X souhaite réinvestir ces sommes, il pourra les laisser dans la holding et réinvestir les 22.250 euros restant.
  • Si M. X souhaite récupérer tout ou partie de ces sommes pour un projet personnel (s’acheter une voiture ou faire un projet immobilier personnel par exemple) la situation se complique car il faut ressortir l’argent de la holding. 

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  • Pour récupérer l’ensemble des sommes il sera nécessaire de liquider la holding H ou de procéder à une réduction de capital, des opérations assez lourdes à conduire. Les gains réalisés par rapport à l’investissement initial seront imposés au niveau de M. X, avec l’option de bénéficier de la flat tax. Ainsi, sur les 22.250 euros perçus, 12.250 seront imposés. En appliquant la flat tax, il devra s’acquitter de 3.675 euros d’impôts et il lui restera donc 18.575 euros (au lieu de 21.500 s’il avait simplement investi en direct).
  • Pour récupérer une partie des sommes seulement, disons 5.000 euros, il sera possible de procéder par distribution de dividendes. Ces 5.000 euros qui seront distribués à M. X seront également imposés au niveau de M. X. En appliquant la flat tax, il devra s’acquitter de 1.500 euros et il lui restera donc 3.500 euros après impôts.

Les coûts associés

Il faut également garder en tête que constituer et maintenir une société holding implique des frais importants qui ne sont pas pris en compte dans les exemples ci-dessus. Pour donner une idée très approximative:

  • Constituer une holding coûte au moins 400€ (si tu prends sur toi de tout faire tout seul) et jusqu’à 1500€ si tu te fais accompagner d’un avocat 
  • Une fois la holding constituée il faut chaque année établir des comptes, tenir une assemblée générale et déposer une liasse fiscale aux impôts (même si ta holding n’a effectué aucune opération). Il faut compter pour cela entre 500 et 1000€ de frais par an
  • La moindre opération sur le capital de l’entité coûte habituellement entre plusieurs centaines et plusieurs milliers d’euros en fonction de l’opération envisagée (augmentation de capital, liquidation, réduction de capital, apport en nature, etc.)

Certes, une partie de ces dépenses sera déductible au niveau de la holding et sera compensée par des économies d’impôts, mais une partie substantielle reste à charge. 

Pour ceux qui seraient tentés de rogner sur les frais, faire une holding sans suivi comptable et fiscal sérieux par des professionnels est une très mauvaise idée. C’est la meilleure manière de s’exposer à une note salée en cas de contrôle.

Conclusion

En conclusion, pour de simples investissements dans des start-ups pour des montants inférieurs à 100k€, passer par une holding a sans doute peu d’intérêt et il existe d’autres solutions qui sont plus simples et qui seront sans doute plus efficaces financièrement également (comme un investissement via PEA). D’ailleurs, beaucoup de BA investissent en direct et n’ont pas forcément de holding personnelle.

Vous vous demandez du coup peut-être pourquoi il y a quand même beaucoup de personnes qui investissent via des holdings. Si les holdings ne sont pas forcément adaptées pour des investissements simples de montants limités, elles restent des outils très utiles dans certains scénarios plus complexes. 

Pour citer quelques exemples dans lesquels il peut être utile de se poser la question de la constitution d’une holding:

  • Un fondateur d’une start-up dont la société a pris beaucoup en valeur et qui souhaite à moyen terme monétiser une partie de sa participation pour réinvestir et diversifier son patrimoine. Un régime qui peut être intéressant pour ce fondateur est le régime des titres de participation. Ce régime permet de bénéficier d’une quasi-exonération sur les plus-values qui seraient réalisées par la holding au moment de la vente de titres de la start-up sous réserve du respect de certaines conditions. Le bénéfice de ce régime lui permettra de réinvestir la quasi-totalité du produit de cession. 
  • Tu as fait un super investissement dans une start-up qui a pris beaucoup de valeur et tu as désormais l’opportunité de céder tes titres. Un régime qui peut être intéressant est de faire un apport à une holding de tout ou partie des actions avant de les vendre. Grâce au régime dit d’« apport-cession », tu ne paieras pas d’impôt au moment de la cession des actions et pourras donc réinvestir l’ensemble du produit de la vente des actions. Il y a cependant un certain nombre de contraintes à respecter pour que le régime fonctionne, en ce compris une obligation de réinvestir une partie des produits de cession dans des sociétés éligibles et selon des modalités définies.

Les exemples montrent bien que chaque situation doit faire l’objet d’une analyse sur mesure pour déterminer la solution la plus appropriée. Il n’est donc pas possible dans cet article de passer en revue tous les cas de figure qui peuvent exister.

III) Investir avec un groupe d’amis dans une holding commune

C’est une question récurrente.

Vous êtes plusieurs et vous voulez vous regrouper dans un véhicule commun pour investir ensemble. C’est tout à fait possible mais, là-aussi, il n’y a pas de solution toute faite qui puisse être envisagée.

Je conseille fortement pour ce type de montage de solliciter un avocat pour être sûr que la structure retenue est efficace fiscalement et reflète bien l’esprit de l’accord entre les différents participants.

Un montage mal pensé peut vite vous amener dans des situations de blocage voire de conflits entre les différents participants.