Introduction

Au cours des dernières années, le métier de Chief of staff s’est considérablement démocratisé en France, et en particulier dans l’écosystème startups. De nombreux articles ont été écrits sur le sujet : profil idéal, timing pour recruter un chief of staff, complémentarité avec le CEO, missions clés, opportunités de carrière, challenges, etc. Ce qui ressort avant tout c’est la diversité des profils et des missions en fonction de la taille de l’entreprise et de ses besoins.

J’ai souhaité écrire un article avec un éclairage un peu différent, qui se concentre sur 3 aspects principaux :

  • Le rôle du Chief of Staff pour des scale-ups de plus de 400 personnes comme Partoo 
  • La pertinence et l’impact décisif du Chief of Staff dans le cadre de la gestion de projets transverses
  • La relation du Chief of Staff avec les autres personnes de l’entreprise et non uniquement le C-level avec lequel il forme un binôme

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I – Le rôle du Chief of Staff au sein d’une scale-up

Contrairement à une toute jeune startup, une entreprise de plus de 400 personnes est généralement bien structurée et dispose de C-levels aux postes les plus stratégiques. Le rôle consiste donc moins à pallier une absence dans l’organigramme qu’à définir, diffuser et exécuter la stratégie de l’entreprise en binôme avec le CEO. Le Chief of Staff est  aussi le garant de la communication et des rituels de l’entreprise.

Chez Partoo, par exemple, j’ai repris 6 mois après mon arrivée la gestion des OKRs (Objectifs et Key Results). Ce processus trimestriel est clé car il permet à l’ensemble des équipes de définir leurs priorités et leurs objectifs chiffrés pour les 3 prochains mois en lien avec la stratégie de l’entreprise. 

Mon action et celles de mon équipe se déclinent en 4 étapes distinctes : 

  • Définir : après une première version rédigée par les deux CEOs de Partoo, l’enjeu est de compléter et challenger les OKRs globaux pour aboutir à une version finale 
  • Expliquer : vient ensuite le temps de la communication des OKRs aux autres C-levels. Bien souvent, il faut les expliciter pour s’assurer d’une bonne appropriation des sujets
  • Cadencer : ce processus trimestriel ne fonctionne qu’à partir du moment où les délais sont respectés, chez Partoo cela dure 1,5 mois 
  • Aligner : lorsque les équipes partagent leurs OKRs, il y a régulièrement un manque de cohérence, il faut donc les harmoniser. Par exemple l’objectif d’ARR découle du nombre d’opportunités qui est lié au nombre de meetings pris par les BDRs et à l’action marketing
  • Communiquer : à la fin du processus, il reste à communiquer pour embarquer et motiver les équipes : donner du sens à son travail. Nous avons par exemple créé un “Digest” qui permet de synthétiser et de vulgariser pour l’ensemble de l’entreprise les objectifs des différents départements. 

Enfin, c’est un processus vivant qui doit évoluer avec l’entreprise. Dans cette optique, je coordonne avec plusieurs membres du Comex l’amélioration du fonctionnement de nos OKRs. 

La communication, interne et externe, est également un aspect clé du métier.

La gestion d’une entreprise de 400 personnes nécessite de répéter en permanence un certain nombre de messages clés qui vont permettre d’embarquer les équipes et de maintenir la motivation. C’est d’autant plus important dans mon cas que j’occupe également le rôle de Head of Strategy. Une part importante de ma semaine consiste donc à définir, en collaboration avec les deux CEO de Partoo (Thibault Renouf et Thibault Levi-Martin), la vision, la mission, les priorités, les axes stratégiques de Partoo et, parfois, même les communications de crise.  Il s’agit ensuite de créer des supports de communication simples, efficaces et visuels pour relayer ces éléments. En fonction des sujets, nous nous répartissons les prises de parole, ce qui accélère la diffusion de l’information en interne.

Il y a aussi des rituels à animer et à faire évoluer en même temps que l’organisation. Chez Partoo, nous avons, par exemple, quatre présentations trimestrielles : une business et une tech, en français et en anglais. Nous avons aussi, tous les vendredis, un Partoo Friday pour partager les informations importantes de la semaine. Enfin, nous avons mis en place différents comités de pilotage par département qui ont lieu chaque mardi et qu’il faut préparer (SMBs, Tech, Enterprise, Board). Au-delà des chiffres et des projets, l’enjeu est de réfléchir aux messages clés qu’on souhaite faire passer aux collaborateurs, c’est le rôle de sounding board.

Au niveau de la communication externe, plus une entreprise grandit, plus les CEO reçoivent de sollicitations pour participer à des événements ou prendre la parole dans des médias. Ces interventions contribuent au rayonnement de l’entreprise mais sont aussi chronophages. Le Chief of Staff, qui possède une bonne compréhension des enjeux stratégiques de l’entreprise, est alors souvent la bonne personne pour intervenir. Au cours des dernières années, j’ai par exemple pris part à différents événements avec Google ou bien encore à l’OKR Forum.

II – La gestion de projets transverses : une compétence précieuse du Chief of Staff

Le Chief of Staff a aussi la responsabilité de mener à bien des projets complexes (et parfois sensibles) de transformation de l’entreprise avec un impact fort pour les différentes équipes. C’est notamment le cas pour des enjeux stratégiques comme le pricing.

Il y a au moins 4 bonnes raisons à cela :

  • Il est à la fois proche des équipes opérationnelles et du top management. Cette double exposition lui permet d’ailleurs de bénéficier d’une certaine légitimité auprès des équipes.
  • Il a un profil plus neutre qu’un C-level ou qu’un head of appartenant à une équipe métier. Il apporte donc un regard extérieur, potentiellement moins biaisé.
  • Il a une vision 360° des enjeux de l’entreprise et des challenges associés aux différents départements. Cette transversalité permet de prendre plus de hauteur sur les projets, de prioriser “librement”, et in fine d’assurer une gestion de projet efficace, un meilleur alignement et une bonne communication.
  • Ce sont souvent des profils qui ont de l’expérience en gestion de projet : anciens consultants, VCs, etc.

Prenons trois exemples concrets pour illustrer cela.

Le sujet pricing chez Partoo.

C’est la thématique transverse par excellence. Elle implique aussi bien :

–  Les équipes Sales qui cherchent à vendre davantage et au meilleur prix

–  Les équipes customer qui cherchent à valoriser leur accompagnement

–  Les équipes produits et tech qui développent des features ou des produits et cherchent à les monétiser 

–  Les équipes finances, opérations et légales qui doivent gérer l’ensemble des systèmes et outils associés et accompagner l’augmentation des revenus

Avec l’aide de l’équipe Product Marketing, j’ai donc lancé un comité pricing pour aligner l’ensemble des parties prenantes. L’enjeu était d’identifier les projets parallèles, de les mettre en cohérence et ensuite, une fois le plan acté, d’assurer la mise en place opérationnelle de la formation des équipes de vente à la contractualisation jusqu’à l’après-vente et à la phase de renew. Suite à cette expérience, j’ai d’ailleurs lancé Pricing Club – une communauté Slack dédiée aux sujets prix dans le SaaS.

Les lancements de produits.

C’est un autre type de projet transverse.

Il y a 1 an et demi, j’ai participé avec notre head of Solutions au lancement de notre produit Store Locator. Les enjeux étaient multiples : faire le marketing de notre solution, former nos équipes client-facing (sales, bdr, kam et customer success), définir le go-to-market (pricing, roll-out par pays), adapter les contrats et notre CRM, recruter une équipe pour assurer la montée en charge, définir des process internes, etc. Il y avait donc un besoin important de coordination entre départements. Après 1 an et demi, on peut dire que c’est un succès : l’équipe Store Locator est composée de 7 personnes, réalise près de 1 m€ de revenus et équipe une cinquantaine de clients dans le monde.

Dernier exemple en date : l’intelligence artificielle. 

De nombreuses startups s’intéressent à l’IA pour améliorer leurs produits mais aussi pour augmenter l’efficacité interne et la productivité des équipes. Certaines recrutent même des profils spécialisés comme Mirakl qui cherche un Chief Data & AI Officer. 

Chez Partoo, nous avons d’abord étudié l’IA sous le prisme produit comme l’explique Thibault Renouf dans cet article. Aujourd’hui, nous cherchons à l’appliquer dans le quotidien des équipes, pour leur permettre de se focaliser sur les tâches à plus forte valeur ajoutée et ainsi transformer l’organisation en profondeur. Dans ce contexte, nous avons défini avec Rodrigue Buisson, Product Manager, et notre équipe Learning une méthodologie dédiée : 

  • Trouver des champions par équipe
  • Organiser des workshops pour identifier des use cases précis en lien avec le quotidien des équipes et les activités les plus chronophages
  • Faire des recherches annexes et impliquer des experts d’autres entreprises
  • Tester ces idées et rédiger un playbook en fonction des résultats observés
  • Partager ces éléments au reste de l’entreprise pour créer une organisation auto-apprenante et créer le “réflexe IA”.

Nous avons par exemple identifié des cas très intéressants sur la partie Talent Acquisition où il est possible en quelques secondes de personnaliser des messages à destination des candidats sur la base d’un simple CV ou d’un lien LinkedIn.

De nombreuses études s’intéressent aujourd’hui aux gains de productivité possibles grâce à l’intelligence artificielle (exemple ci-dessous avec une analyse du BCG). 

III – La relation du Chief of Staff avec les parties prenantes de l’entreprise

On parle beaucoup, et à juste titre, de la relation Chief of Staff – CEO. Cependant comme expliqué plus haut dans l’article, le Chief of Staff joue aussi un rôle pivot versus :

–  Les salariés de l’entreprise

–  Le reste de la direction

Côté salariés, il casse le côté parfois trop top down des organisations et permet de faire remonter des idées au reste du top management. C’est le chaînon manquant qui permet au CEO de rester proche des opérationnels, de tester certaines décisions ou bien encore de prendre le pouls d’une équipe.  C’est aussi cette proximité qui permet d’adapter le discours des CEOs et d’assurer une bonne communication à tous les niveaux de l’organisation.

Vis-à-vis des autres managers et C-levels, c’est aussi celui qui peut servir de sparring partner ou de strategic advisor, qui permet de tester des nouvelles idées et d’appuyer certaines initiatives. Par exemple, j’ai récemment travaillé avec l’équipe Customer de Partoo pour adapter l’offre de service à nos clients SME (Small & Medium Enterprise). Lors d’une première réunion je les ai d’abord challengé sur certains aspects du projet puis je les ai aidé à adapter la présentation pour la rendre plus impactante et ainsi convaincre le reste du Comex. J’ai ensuite travaillé main dans la main avec le COO et l’équipe stratégie pour définir un rétroplanning clair, initier et piloter le projet. 

IV – Conclusion

Que ce soit au niveau de la communication, de la gouvernance, des rituels ou de la gestion de projet, le CoS a un rôle majeur à jouer dans une scale-up.

C’est sans doute la raison pour laquelle, en France, d’après l’institut Choiseul, près de 800 Chief of Staff sont en poste : 

  • 65% des entreprises du CAC 40 et du Next 40
  • 34% des entreprises du Next 120

La crise actuelle de l’écosystème ou les innovations récentes autour de l’IA ont et vont probablement encore renforcer cette tendance car plus que jamais il faut communiquer, réorganiser, lancer des projets transformants et ajuster le pilotage de l’entreprise.