De Notion à Spotify, en passant par Ausha, la communauté est aujourd’hui utilisée par des marques de tous horizons comme un puissant levier de visibilité, de croissance et de fidélisation. 

Elle permet aux startups de se développer de manière ultra rapide et agile. Mais elle peut aussi aider les grands « mastodontes », qui ont du mal à suivre le rythme des évolutions de leur marché, à élargir leur audience et rester dans le coup !

Votre communauté, c’est la barrière à l’entrée ultime. Une botte secrète qui permet de créer une connexion beaucoup plus forte avec vos clients que n’importe quelle innovation produit ou prix avantageux. 

Aux États-Unis, le Community Building est depuis belle lurette une brique incontournable des stratégies de croissance des organisations – c’est aussi un métier à part entière, qui est très recherché. 

En France, la communauté est un levier stratégique de plus en plus utilisé. Mais le problème, c’est que de nombreuses entreprises confondent encore leurs followers sur les réseaux sociaux avec les membres d’une communauté. Ces deux notions sont pourtant très distinctes et les différencier est la première étape nécessaire pour mettre en place une stratégie communautaire qui marche.

Ça tombe bien, c’est justement l’objectif de cet article. Vous y découvrirez mes apprentissages, glanés à travers des rencontres avec de nombreux professionnels des communautés, la création de la première école du Community Building en France, et l’écriture d’un livre sur le sujet des communautés !

Avant de comprendre comment créer une communauté, je vous propose donc de commencer par le commencement : enfin comprendre quelle est la différence entre cette dernière et une audience. 

1. Comprendre la différence entre audience et communauté

La plupart du temps, avant d’avoir une communauté, les marques (ainsi que les entrepreneurs et les créateurs) ont une audience. Autrement dit, l’audience, c’est souvent la “V1” de toute communauté – et la plupart du temps, elle existe en ligne. Attention, cela ne veut pas dire que fédérer une réelle audience (notamment sur les réseaux sociaux) ou à travers une newsletter est une mince affaire. 

Mais la particularité d’une audience, c’est qu’elle est relativement passive. Elle “consomme” vos contenus, like vos stories, commente vos publications Instagram… Mais son engagement s’arrête généralement là. 

Non pas que les membres de votre audience ne soient pas intéressés par des interactions plus poussées ! Mais l’audience reste passive parce qu’elle se trouve à l’entrée de votre funnel de conversion, et qu’elle ne dispose donc pas d’un support facilitant les interactions et la création de valeur.

C’est là toute la particularité d’une audience, et sa principale différence avec une réelle communauté de marque : la dynamique top-down. Sur les réseaux sociaux, les messages passent principalement de la marque vers les membres de l’audience – mais rarement dans l’autre sens !

D’ailleurs, Aurore Bay, illustratrice et formatrice, l’a bien remarqué. Sur les réseaux sociaux comme Instagram et Youtube, elle publie du contenu dans le cadre d’une ligne éditoriale bien pensée. Elle passe des messages à travers son storytelling, inclut quelques CTA pour inciter ses abonnés à découvrir ses formations payantes. 

Mais ce n’est qu’en les faisant évoluer à travers son funnel communautaire, vers des outils plus collaboratifs comme Twitch et surtout Discord, qu’elle donne réellement naissance à une communauté engagée. 

L’approche bottom-up et les échanges organiques 

Dans une communauté, les échanges ne partent pas systématiquement de la marque (ou de son représentant, le Community Builder). Bien au contraire : ils sont en grande majorité initiés par les membres. 

Dans son passage au micro de Community Centric, le podcast lancé par Komuno, Eloïse Barrège, ex-Community Leader chez Ausha, la plateforme SaaS dédiée aux podcasteurs, m’a ainsi expliqué s’être fixé une règle de 80 / 20. Autrement dit, faire en sorte que 80 % des échanges soient initiés par ses membres versus 20 % de sujets lancés par elle ou de contenus publiés par la marque.

Dans la communauté, le mot d’ordre, ce sont les échanges multidirectionnels. Les membres de la communauté interagissent entre eux, ils s’entraident et créent de la valeur en parallèle de celle délivrée par la marque. Le rôle de cette dernière se limite donc à créer un espace qui facilite les échanges, et à les alimenter régulièrement pour les orienter dans la bonne direction. 

Moteur de cette dynamique, le Community Builder est chargé de créer un processus solide d’onboarding pour aider les membres à prendre leurs marques. Il est aussi important qu’il imagine une stratégie d’animation efficace pour sa communauté – et qu’il crée des règles de modération pour assurer que les membres soient à l’aise de s’impliquer. Ces règles et ces processus sont le “squelette” nécessaire de la communauté – et il revient ensuite à ses membres de la faire vivre. 

Vous l’aurez compris : contrairement à l’audience, avec la communauté, on est beaucoup moins dans le contrôle et le top down : la tendance s’inverse complètement et les membres contribuent activement au développement de l’entreprise !

C’est d’ailleurs une leçon bien intégrée par l’outil de productivité Notion, qui s’appuie sur les membres de sa communauté pour grandir, par le biais de plusieurs leviers : 

  • le partage de connaissances et de conseils : les membres de la communauté de Notion échangent des connaissances, des tips et des tutoriels sur la manière d’utiliser au mieux Notion. Les plus experts partagent des conseils permettant aux nouveaux utilisateurs de tirer le meilleur parti de l’outil ;
  • le support : au sein de la communauté, on peut aussi poser ses questions et partager ses problèmes techniques – les membres les plus engagés se chargent ensuite d’offrir des éléments de réponse, voire de l’assistance quand c’est possible ;
  • la collecte de feedbacks : la communauté Notion est aussi une formidable source d’informations et de données aidant les équipes Produit et Data à mieux comprendre l’usage de l’outil – et à l’améliorer en conséquence.

2. Les flux de valeur de la communauté

Vous avez encore du mal à faire la distinction entre audience et communauté ? Pas d’inquiétude : même en baignant dans la sauce communautaire depuis plusieurs années, il me reste difficile d’en définir précisément la nature et d’expliquer en quoi elle se différencie d’une “simple” audience de lecteurs, d’auditeurs ou followers. 

Mais au fil de mes discussions avec des entreprises, des communautés et des Community Builders, j’ai fini par m’arrêter sur la définition suivante (roulement de tambour) : 

Une communauté de marque est un groupe d’individus rassemblés par une marque et liés par un intérêt commun, qui créent et échangent de la valeur à trois niveaux. 

Je définis ces niveaux comme il suit : 

  • la marque crée de la valeur pour chaque individu ;
  • les individus créent de la valeur pour la marque ;
  • les individus créent de la valeur entre eux.
les flux de valeurs des communautés

Illustration tirée de mon livre, Le Pouvoir des Communautés, publié aux éditions Eyrolles.

Dans la création de valeur communautaire, on distingue donc six dynamiques distinctes, réparties sur trois niveaux.

Premier niveau : entre l’individu et la marque :

  • #1 : le membre de la communauté crée de la valeur pour la marque, en devenant son client (ou son ambassadeur) par exemple. Dans le cas de la communauté de Sortlist, qui regroupe des directeurs et directrices d’agences spécialisées dans le marketing digital, les membres participent même à la création de contenu, partagent leur expérience sous forme de podcasts, d’articles, etc.
  • #2 : la marque crée avec chaque membre un lien émotionnel et de confiance. Elle leur partage des ressources, des informations inédites sur son fonctionnement, les implique dans ses prochains lancements, etc. Bref, elle établit plus de transparence et d’horizontalité qu’avec de simples utilisateurs ou des abonnés sur ses réseaux. 

Deuxième niveau : entre la marque et la communauté :

  • #3 : la marque crée et anime l’espace communautaire. Elle offre à ses membres un espace dans lequel ils peuvent puiser des ressources, mais surtout échanger avec des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt et les mêmes valeurs qu’eux. 
  • #4 : la communauté humanise la marque. Elle alimente sa légitimité, sa crédibilité et son statut, en portant sa communication de manière beaucoup plus authentique. La communauté peut aussi permettre à la marque de créer de nouveaux produits, voire de les co-créer avec ses clients. C’est le cas par exemple de Nidéco, qui imagine chacun de ses nouveaux soins à travers sa communauté de clientèle qui propose des idées et votent pour valider celles qui sont les plus intéressantes. Ou encore d’Asphalte, qui fonctionne sur un système de pré-commandes et crée des vêtements dont les détails sont votés par sa communauté.
Ashpalte qui fonctionne sur un système de précommande

Troisième niveau : entre l’individu et la communauté :

  • #5 : le membre s’engage au sein de la communauté, la fait vivre. Il poste des messages, partage son expérience avec les autres, répond à leurs questions et offre son aide quand elle est pertinente. 
  • #6 : la communauté permet à chaque individu d’atteindre ses objectifs. Dans le cas d’Ausha (promis, ils ne m’ont pas payée pour les mentionner autant), la communauté permet par exemple aux podcasteurs de rencontrer d’autres créateurs, de faciliter les collaborations et donc la cross-promotion de leur contenu et les opportunités de monétisation.

Ainsi, la communauté repose sur un équilibre subtil entre toutes les parties prenantes, sur plusieurs niveaux. Pour qu’elle fonctionne, il faut donc absolument comprendre quelle valeur vous pouvez offrir à vos membres – et comment la communauté permet de le faire !

3. Comment faire pour transformer son audience en communauté engagée ? 

Maintenant que l’on y voit plus clair entre audience et communauté, il reste un enjeu de taille : faire l’upgrade de l’une à l’autre. 

Se poser la question de la pertinence d’une communauté

Avant toute chose, commencez par vous poser les bonnes questions. Tous les Community Builders avec lesquels j’ai eu l’opportunité d’échanger m’ont dit la même chose. Lancer et surtout animer une communauté demande beaucoup de temps. 

Cela peut être un levier incroyable pour votre marque ou projet entrepreneurial, certes – en témoigne le succès fulgurant de Team for the Planet, qui a réussi à recruter plus de 100 000 actionnaires en moins de trois ans grâce aux efforts de sa communauté. 

Mais pour que ça marche, vous allez devoir y dédier beaucoup de ressources. Et il faut donc vous demander si le jeu en vaut la chandelle. 

Commencez-donc par ces questions simples. Le modèle communautaire est-il :

  • Pertinent pour votre business (et surtout pour votre business model). À quelle étape de votre funnel de vente ou d’engagement la communauté peut-elle être un levier d’accélération ? Est-elle un bon moyen de convertir des prospects en clients ? De fidéliser vos utilisateurs ? Y-a-t-il une autre stratégie qui pourrait répondre à cet objectif plus simplement / pour un budget moindre ? 
  • Pertinent pour votre cible (qui peut être externe comme interne) : vos futurs membres ont-ils une appétence pour ce mode d’interaction ? Quel est le pain point que vous pouvez résoudre à travers votre communauté (par exemple, le matchmaking pour Ausha, ou le peer learning pour Sortlist).  

Lancer une stratégie communautaire : les étapes clés

Si vous êtes tombé sur la conclusion que lancer votre communauté était la bonne chose à faire, il va vous falloir préparer votre stratégie. 

Pour ça, il n’existe malheureusement pas de recette miracle ! Mais bel et bien des outils et des frameworks avérés et testés par de nombreux créateurs de communautés avant vous. Commencez donc par : 

#1 – Comprendre votre cible.

Faites des recherches sur vos futurs membres, analysez leur comportement, etc. Cette étape consiste à faire de la recherche utilisateur, mais à la sauce communautaire.

Un exemple réussi de recherche communautaire, c’est celui de la plateforme Discord. Cette dernière a créé la communauté “Discord Testers”, qui permet à tous les utilisateurs de l’outil de tester les nouvelles fonctionnalités du produit, de faire leurs retours et de contribuer à l’évolution de la roadmap de Discord.

Du côté de chez Spotify, la communauté “Spotify Stars” rassemble les utilisateurs les plus engagés et les plus passionnés de la plateforme de streaming musical. Ces derniers sont notamment responsables de faire vivre la communauté plus large de Spotify (en répondant aux questions sur le forum dédié aux utilisateurs, en modérant les discussions, etc), et à inciter les membres moins actifs à publier du contenu (et donc, de la donnée précieuse pour le géant suédois). 

#2 – Définir la proposition de valeur de votre communauté.

On en a déjà parlé plus haut, mais cette dernière doit servir vos intérêts commerciaux (sans pour autant être phagocytée par eux). Réfléchissez donc à la valeur que vous allez apporter à vos membres. Mais aussi à celle que votre communauté apportera à votre marque ou à votre projet.

Si on revient à nos deux exemples précédents, la communauté Discord Testers propose à ses membres d’être au plus proche du produit et de jouer un rôle concret dans son évolution. Du côté des Spotify Stars, la proposition de valeur est plutôt de permettre aux membres de la communauté d’échanger avec d’autres passionnés de musique et de prendre part à l’évolution de l’industrie du streaming musical (tout un programme, donc…).

#3 – Imaginer votre member journey : par quelles étapes vos membres vont-ils passer ?

Conceptualisez leur parcours depuis la découverte de votre marque jusqu’à la décision de rejoindre la communauté, voire en devenir ambassadeurs.

Avant de vous lancer, ayez en tête qu’il vous faudra une bonne compréhension de vos membres, et une proposition de valeur suffisamment forte pour les inciter à vous rejoindre. Une fois ces éléments définis, il sera temps de passer à l’échelle !

La composante humaine, élément essentiel de la communauté

Une fois les bases posées, il vous reste encore une mission conséquente : faire vivre votre communauté. Je vous parlais notamment de son aspect chronophage, car la stratégie communautaire est très centrée sur les relations inter-humaines. De nombreux Community Builders ont déjà imaginé des stratégies efficaces pour automatiser certains processus (comme l’onboarding chez LPC-Xpedition, par exemple). 

Mais gardez bien à l’esprit que si vos membres rejoignent votre communauté, c’est pour créer une véritable relation avec votre marque. Cela demande un engagement fort de votre part, mais si votre stratégie communautaire est ficelée, vos membres vous le rendront au centuple ! Concilier scale et lien humain – c’est là toute la puissance du marketing communautaire.