Dans un monde et dans une société qui est toujours plus fournie en données et « big data », les entreprises ne dérogent pas à la règle. En effet, la data est une ressource essentielle au bon fonctionnement d’une entreprise et à sa croissance. Cette data, si elle est bien utilisée et exploitée, est l’un des catalyseurs de la croissance des start-up. Néanmoins, il est nécessaire d’extraire la bonne data et de la traiter correctement sous peine de faire fausse route dans le pilotage de l’activité et de la croissance.

Le modèle SaaS a cependant de grandes particularités qui font que les indicateurs « classiques » peinent à capter les éléments cruciaux de ce modèle.

En effet, au sein du business SaaS, les 3 règles d’or sont les suivantes :

  • Acquérir des clients
  • Retenir ces clients
  • Monétiser ces clients

De fait, les metrics SaaS doivent nécessairement mettre en lumière la position de l’entreprise vis-à-vis de ces objectifs et donc les leviers activables pour les améliorer.

Néanmoins, parmi les (extrêmement) nombreux indicateurs SaaS qu’il est possible de calculer, il faut mettre l’accent sur les quelques metrics les plus utiles et – de fait – s’éviter de perdre du temps sur des indicateurs que vous n’utiliserez pas ou qui ne vous donneront pas les bonnes indications à suivre pour votre business.

Cet article vise donc à mettre en lumière les indicateurs « must have » à suivre dans un business SaaS (ce qui ne signifie bien évidemment pas qu’il n’existe pas d’autres metrics très pertinents).

Chez EasyMovie, nous suivons attentivement les indicateurs qui vont être présentés. Ceux-ci sont calculés périodiquement (au mois ou au trimestre généralement) par les équipes Finance ou les équipes Ops, suivant les sujets. Une fois calculés, ceux-ci sont synthétisés au sein d’un deck et présentés à Julien Bianchi (CEO d’EasyMovie) par Antoine Leprince (Revenue Ops) et moi-même.

1. MRR / ARR

Le MRR (« Monthly Recurring Revenue”) et son pendant l’ARR (« Annual Recurring Revenue »), sont les metrics les plus évidents et parmi les plus regardés au sein du business SaaS.

En effet, le MRR représente le niveau de revenu récurrent généré par l’ensemble des clients en un mois. L’ARR représente le MRR multiplié par 12 à un mois donné.

ARR = MRR*12

Il est important de comprendre que la récurrence du revenu est le principal atout du modèle SaaS. En effet, tant que le client perçoit la valeur que vous lui apportez, il vous paie mensuellement (ou annuellement selon les contrats).

Au-delà d’être un simple indicateur de niveau de revenu, le MRR représente également une base solide pour pouvoir anticiper de façon simple et fiable le niveau de revenu que la société aura dans les prochains mois et – de fait – dans l’année. Pour ce faire, il faut associer ce MRR avec le taux de churn prévisionnel (Cf partie 2. Churn) ainsi que la croissance anticipée des nouvelles souscriptions. Cela permet ensuite de pouvoir piloter de façon efficace la société et d’adapter les coûts à cette future croissance. A noter que la croissance est également l’un des metrics les plus importants du modèle SaaS.

Au-delà de cet aspect purement stratégique, l’ARR sert notamment de base de valorisation pour les sociétés SaaS, en appliquant un multiple à cet ARR (Cf article « Comment valoriser une startup »). Il est donc évident que cet indicateur est particulièrement regardé par les investisseurs.

Chez EasyMovie, cet indicateur est exclusivement calculé par les équipes Finance. En effet, son aspect plus financier et comptable qu’opérationnel fait que celui-ci reste dans le giron de la Finance. Enfin, il est bien évidemment calculé mensuellement (c’est également le cas de l’ARR).

2. Churn

Puisqu’il ne s’applique pas uniquement aux sociétés SaaS, le taux de churn (ou taux d’attrition) est souvent connu et compris du grand public (exemple : les opérateurs mobiles ou encore les banques utilisent le principe de « churn »).

Churn

Les différents types de Churn

Il existe 2 types de churn qu’il convient d’utiliser : le churn client et le churn revenus. Le churn client correspond à la proportion de clients qui ne renouvelle pas d’un mois sur l’autre tandis que le churn revenu correspond au pourcentage de revenu perdu lié aux clients qui vous quittent. À noter que l’on ne prend que les clients qui sont sur un modèle de revenu récurrent dans le calcul du churn. En effet, les revenus issus des services ne sont pas pris en compte. Si les 2 calculs sont intéressants et utiles, il reste néanmoins évident que le churn revenu apporte une plus grande valeur ajoutée sur le long terme.

Pour le calcul du churn revenu, il existe un taux de churn brut et un taux de churn net. Le taux de churn brut correspond à la part des revenus des clients perdus (churn) ainsi que la part de revenu perdue des clients ayant réduit leur abonnement (downsell). Le taux de churn net correspond au churn brut auquel on rajoute la part de revenu gagnée des clients ayant augmenté leur abonnement (upsell). De fait, si le churn brut est compris entre 0% et 100%, le churn net peut devenir négatif (si les upsells > churn + downsell).

Plus la taille de la société est importante, plus il est nécessaire de suivre le taux de churn. En effet, moins la société aura de clients et moins l’impact du churn sera important (5% de taux de churn est différent si la société a 20 clients ou 100 000).

Un indicateur essentiel au modèle SaaS

Cet indicateur est tout particulièrement important dans le modèle SaaS puisque ce dernier repose sur la capacité qu’à une société à acquérir des clients et à les garder sur le long terme, tout en ajoutant de nouveaux clients à la base existante (le fameux modèle vertueux du SaaS). Si le taux de churn est trop élevé, son impact sur le revenu sera majeur et les nouveaux clients ne couvriront pas les clients qui vous quittent, ce qui aura nécessairement un effet sur la croissance qui sera au mieux de 0 et – au pire – négative (avec tous les impacts qui s’en suivent – cash, motivation d’équipe, valorisation…).

Il est assez compliqué de donner un taux de churn type sur le marché puisque l’objectif est toujours d’être à 0 avoir négatif, mais il est communément accepté qu’un taux de churn brut en-dessous de 10% et qu’un taux de churn net en-dessous de 5% sont considérés comme acceptables.

Cet agrégat a bien évidemment une utilité pour les équipes Finance & Ops, mais également pour les équipes Customer Success. En effet, leur travail ainsi que leurs initiatives influencent directement le taux de churn.

Chez EasyMovie, cet indicateur est calculé par les équipes Ops. En effet, celles-ci suivent généralement de très près tous les mouvements sur les contrats (et notamment les upsell et les downsell), ce qui est moins le cas des équipes Finance. Celui-ci est suivi mensuellement, mais également calculé au trimestre, semestre et à l’année, de sorte à pouvoir faire des comparaisons pertinentes d’une période à l’autre.

3. Le CAC et ses dérivés

Dans le business SaaS, il est important de comprendre ce qu’est le CAC – Customer Acquisition Cost – soit le coût d’acquisition des nouveaux clients. Cet élément est calculé en prenant l’ensemble des dépenses allouées à l’acquisition de nouveaux clients sur une période donnée (généralement les dépenses marketing & sales) divisé par le nombre de clients acquis sur cette même période.

Ce KPI permet ensuite de calculer un certain nombre de ratios dont les plus pertinents sont – selon moi – le CAC payback et le CAC LTV. L’intérêt de calculer ces indicateurs est de répondre à une réponse précise : est-ce que mes clients me rapportent plus que ce qu’ils me coûtent ?

CAC Payback

Le CAC payback se calcule en prenant le CAC divisé par le MRR multiplié par la marge brute.

CAC Payback = CAC / MRR*Marge brute

Comme son nom l’indique, le CAC Payback permet de calculer le nombre de mois nécessaires pour récupérer l’argent investi dans l’acquisition des nouveaux clients. Cet indicateur, particulièrement utile, permet de jauger à quel point les investissements sales & marketing sont rentables ou non.

Customer Acquisition Cost

Un CAC payback acceptable se situe généralement en dessous de 10 à 12 mois pour une société en dessous de 10 M€ d’ARR, tandis que les sociétés ayant un ARR supérieur peuvent généralement se permettre un payback plus important (de l’ordre de 18-20 mois). Plus cet indicateur est élevé, plus le capital financier de la société est mis à contribution pour récupérer l’argent investi.

Vous pouvez consulter cet article de The SaaS CFO si vous souhaitez plus d’informations sur ce ratio.

CAC LTV – Lifetime Value

Le LTV correspond au revenu moyen qui est attendu d’un client avant que celui-ci ne churn. Cet indicateur se calcule en prenant le revenu moyen par client et en le divisant par le taux de churn.

Ensuite, pour calculer le ratio CAC / LTV, il faut diviser le LTV par le CAC :

Ratio CAC / LTV = LTV / CAC

Ce ratio fait donc apparaître ce que rapporte un client en moyenne sur sa « durée de vie » par rapport à ce qu’il coûte à l’origine.

Au sein du modèle SaaS, il est communément admis que ce ratio doit être supérieur à 3 pour être profitable sur le long terme. Dans tous les cas, il est nécessaire que ce ratio soit supérieur à 1 sinon vous perdez de l’argent sur chaque client acquis.

CAC/LTV - Metrics Saas

Ces indicateurs sont donc particulièrement clés dans la définition de la stratégie commerciale de la société. En effet, ils permettent dans un premier temps de valider que les investissements commerciaux sont rentables (et ne produisent donc pas que de la croissance en surpayant l’acquisition commerciale). Également, ils permettent, en segmentant les dépenses et revenus, de détailler ce qui fonctionne le mieux (par exemple combien rapporte le marketing par rapport à ce qu’il coûte ou encore en séparant les activités grands comptes et SMB).

Le CAC est également particulièrement pertinent pour les calculs de pricing. En effet, celui-ci permet de calculer un prix minimum de sorte que le client rapporte plus que ce qu’il ne coûte.

Chez EasyMovie, ces indicateurs sont calculés par les équipes Finance tous les trimestres. Ceux-ci font d’ailleurs l’objet d’une analyse approfondie de sorte à comprendre ce qui fonctionne et – le cas échéant – ce qu’il faut changer. En effet, de bons CAC Ratio peuvent couvrir des réalités plus mitigées dans le détail, avec certains segments commerciaux qui se « remboursent » totalement tandis que d’autres pas du tout.

4. Cash Burn

“Cash is king”

Indicateur généralement propre aux start-up et aux scale-up, le cash burn correspond aux liquidités consommées par l’activité opérationnelle d’une société en un mois. De fait, cet indicateur n’est pas uniquement propre au business SaaS, ce qui ne le rend pas moins intéressant pour ce modèle. En effet, le cash burn est même un élément majeur des indicateurs SaaS puisque le propre de ce business model est d’investir fortement pour acquérir des clients, puis de se « rembourser » dans le temps (Cf partie 3. CAC). De fait, la consommation du cash est un élément à suivre de très près.

Il existe le cash burn brut, qui correspond à toutes les dépenses opérationnelles de la société en un mois, et le cash burn net correspondant aux dépenses opérationnelles soustraites des encaissements du mois.

Il est important de noter que le cash burn ne s’entend généralement que par les encaissements et décaissements de l’activité, ce qui signifie qu’il faut ensuite rajouter les encaissements et dépenses hors activité (tout ce qui est financier notamment, à l’image de la dette, des subventions…).

Le cash burn est un indicateur à surveiller de très près au mois le mois et il est important de ne pas le laisser dériver. Selon l’étude marché SaaS du fonds Serena Capital, le cash burn médian varie de 80 K€ par mois pour une société réalisant moins d’1 M€ d’ARR à 800k€ pour une société en réalisant plus de 10M€.

Cash burn

Un indicateur à suivre au cours du temps

Au-delà de suivre de simple metrics marché, le cash burn est la conséquence de nombreux éléments de fond très importants qu’il convient d’avoir en tête, dont les principaux sont les suivants :

  • Suivi des coûts de façon rigoureuse ;
  • Pilotage de l’activité commerciale.

Généralement inclue dans le Business Plan, la prévision de trésorerie est actualisée en parallèle de sorte à avoir une vue fiable sur sa trésorerie pour les prochains 12/24 mois et ainsi pouvoir connaître son runway (nombre de mois ou années qu’il reste à la société avant de se retrouver à court de liquidités).

Cet indicateur sert principalement au(x) fondateur(s) et au CEO de sorte à suivre l’évolution de la trésorerie au cours du temps.

Chez EasyMovie, cet indicateur est bien évidemment calculé par les équipes Finance au vu de son aspect particulièrement financier. Ce metric est suivi mensuellement mais j’ai personnellement la vue quotidienne de notre cash burn.

5. Net Promoter Score

Seul élément non financier de la liste, cet indicateur de satisfaction est primordial pour suivre la fidélité client. En réalité, au-delà de la satisfaction et fidélité client, le NPS représente la propension qu’a un client à recommander le produit que vous vendez. En effet, cet indicateur est déterminé à partir d’une interrogation au client concernant sa recommandation du produit, puis d’une seconde question plus ouverte liée à sa précédente réponse.

Le répondant à la question doit alors donner une réponse entre 0 et 10 concernant sa recommandation, et ce dernier est alors classé au sein de l’une des 3 catégories suivantes :

  • Promoteur : notes de 9 ou 10 ;
  • Passif : notes de 7 ou 8 ;
  • Détracteurs : notes de 0 à 6.
NPS - Metrics Saas

L’avantage majeur de cet indicateur est qu’il est normé. Par conséquent, vous pouvez aisément comparer votre score à ceux d’autres sociétés, et ainsi avoir une idée du niveau de satisfaction de vos clients par rapport à ceux d’un secteur ou d’une société donnée. De plus, le NPS est très simple à mettre en place (puisque généralement directement intégré dans les baromètres de satisfaction) et directement compréhensible par tout le monde.

Cet indicateur possède un réel intérêt pour bon nombre de branches de la société :

  • La partie tech y trouvera des feedbacks sur le produit, sur des features pouvant être améliorées ou crées ainsi que des éventuels bugs ;
  • Les parties finance & ops y trouveront une bonne anticipation du churn ;
  • La partie sales y trouvera des arguments de vente qualitatifs ainsi que des retours clients prometteurs sur la valeur qu’ils ont pu trouver dans le produit.

*****

Pour finir, il est important de noter que tous ces indicateurs ne sont « que » des metrics et que – même s’ils apportent de nombreuses informations pertinentes – il est parfois essentiel de prendre du recul par rapport aux moyennes des marchés ou des seuils à ne pas dépasser. En effet, chaque société et situation étant unique, et même s’il ne faut pas oublier quelle est la norme en termes de metrics, il est également nécessaire d’adapter la lecture que l’on en a et les éventuelles actions à mettre en place. Toutes les start-up ont – à un moment ou à un autre – été au-delà des limites affichées sur certains indicateurs au profit d’une hypercroissance ou d’un ajustement stratégique.



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