1) La fable du dinosaure et de la baleine

Les 5 manières de développer un SaaS B2B jusqu’à 100M€ d’ARR

En 2014, Christoph Janz, BA et Partner dans un fond de VC US théorisait les 5 manières d’atteindre les 100 millions d’ARR dans un court article devenu une référence sur le sujet : Five ways to build a $100 million business

S’inspirant de l’article de Boris Wertz paru en 2012, the only 2 ways to build a $100 million business, Christoph y présenta les 5 types de deals sur lesquels les SaaS peuvent se focaliser :

  • Les éléphants à 100k€ d’ARR
  • Les cerfs à 10k€ d’ARR
  • Les lapins à 1000€ d’ARR
  • Les souris à 100€ d’ARR
  • Les mouches à 10€ d’ARR

Très simplement, il théorisa que chaque cible se chassait de manière différente, avec des process de vente différents, et des armes différentes : branding, marketing, sales outbound, vente complexe, etc.

Cela fait d’ailleurs écho à l’opposition classique entre les entreprises Product Led Growth (PLG) dont les ACV (Annual Contract Value) sont plus faibles et les entreprises Sales Led Growth (SLG) dont les ACV sont plus importantes.

Pour en savoir plus sur les différents KPIs SaaS, voici un article Tribes dédié à ce sujet.

Les dinosaures et les baleines :

Quelques mois plus tard, le post fut updaté avec 3 nouvelles catégories, dont deux supérieures à l’éléphant : les dinosaures (Brontosaurus) à 1M€ d’ARR et les baleines à 10M€ d’ARR.

En 2014, Christophe écrivait alors :

“Interestingly, it seems like there are only two Brontosaurus hunters in the SaaS world, Veeva and Workday (…) I’m aware of only one SaaS company which might have an ACV in the neighborhood of $10 million: Palantir, as pointed out by Jindou Lee.

In his excellent book “Zero to One”, Peter Thiel writes that Palantir’s “deal sizes range from $1 million to $100 million”.”

Bref, pas vraiment de chasseurs de dinosaures ou de baleines en 2014, et encore moins en France….

Pourtant aujourd’hui, le marché SaaS a beaucoup changé.

Avec la maturité, de nombreux SaaS ont ainsi fait évoluer leurs stratégies PLG (product) vers des stratégies SLG (sales) en augmentant fortement leur ACV : Atlassian, Dropbox, Stripe, Twilio, Slack, Shopify…

… et de nombreux chasseurs de dinosaures et de baleines ont vu le jour aux US principalement : Salesforce, Linkedin, Broadsoft, Bazaarvoice, Mulesoft, Zuera, Cloudera, etc.

La France en retard

En France notre focus est plutôt sur les souris, les lapins et les cerfs comme le montrent les succès de Payfit, Skello, Sendinblue ou Indy.

Nous avons certes quelques chasseurs d’éléphants comme Contentsquare ou Algolia, mais nous n’en sommes pas à la maturité américaine !

Aucun chasseur de dinosaures ou de baleines en vue…

Et ce pour 3 raisons selon moi :

  • Le marché français est plus petit et peu de clients sont capables aujourd’hui de mettre des budgets aussi importants dans des solutions SaaS – ce qui devrait évoluer !
  • Les grands groupes français (La Poste, Renault, Accor…) ne font pas encore assez confiance aux solutions tech françaises et préfèrent travailler avec des Américains – tous les appels d’offres à plus d’un M€ que nous avons vu passer chez Partoo ont été accordés à des sociétés américaines
  • La culture sales en France et en Europe n’a pas la même maturité qu’aux US et nous manquons encore de compétences pour « chasser » ce type de comptes

Jean-Louis Benard, CEO de sociable explique ainsi : “Nous avons gagné beaucoup de gros appels d’offres en France en partie parce que nous en avions gagné des gros aux Etats-Unis (comme Microsoft) ou en APAC. C’est en quelque sorte une réassurance pour des grands comptes français. Alors qu’aux Etats-Unis, on est prêt à sortir des solutions traditionnelles pour acquérir un avantage compétitif”

Ahhhh si ! Nous avons bien un chasseur de dinosaures qui a vu le jour en France : Datadog !

Fondé en 2010 par deux centraliens, Olivier Pomel et Alexis Lê-Quôc, Datadog – dont le siège est depuis basé à NewYork – a dépassé les 1 milliard d’ARR il y’a peu.

Ils ont ainsi réussi à convaincre 200 clients à plus d’un million d’ARR et 2000 clients à plus de 100k d’ARR !

C’est donc une stratégie possible. Cocorico !


2) Comment chasser des dinosaures ?

Notre problématique chez Partoo

Comme vous le savez peut-être si vous êtes des lecteurs du blog Tribes, la majorité des articles que nous postons proviennent de challenges que nous rencontrons. La chasse aux dinosaures ne fait pas exception.

Chez Partoo, notre ACV moyen est de 25k€ sur notre segment entreprise (cerfs) et de 1000€ sur notre segment SMBs, i.e. Small and Medium Businesses (lapins). Pourtant au cours de l’année 2021, nous avons signé plusieurs contrats éléphants et regardons avec envie les dinosaures français signés par notre concurrent américain.

Avec aujourd’hui un ARR de plus de 15M€, un de nos enjeux consiste à remonter la chaine de valeur et augmenter notre ACV.

Evolution de l’ARR de Partoo

Finalement cela fait échos à une remarque que j’ai entendu un jour d’un chasseur de dinosaures français : « la situation la plus inconfortable est sans doute de signer des petits deals avec des grands comptes car on pâtit de leurs inconvénients sans bénéficier de l’avantage des montants »

Utiliser les bons outils pour chasser

Nous avons donc travaillé ces dernières années sur notre produit pour répondre à 100% aux besoins des grands comptes. De mes discussions avec plusieurs spécialistes de la chasse aux dinosaures, ils sembleraient que les évolutions de notre produit aillent dans le bon sens :

  • User Management : le premier sujet a été d’adapter nos gestions de droits d’utilisateurs aux contraintes de nos grands clients en reproduisant des organisations complexes ; la création de milliers d’utilisateurs et la gestion de leurs droits sont alors un prérequis
  • Analytics : le deuxième aspect sur lequel nous avons travaillé est bien sûr la fourniture d’analytics, permettant aux grands comptes de piloter leur activité ; nous produisons aussi des dashboards spécifiques pour certains clients
  • API et intégration aux systèmes de données : c’est un sujet plus technique, mais un gros volet des grands comptes (API, SSO et intégrations avec les systèmes existants). C’est un sujet que nous avons fait évoluer au fur et à mesure des années et nous savons maintenant que nous pouvons répondre à 90% des demandes de nos prospects
  • Sécurité : RGPD, compliance, DPO, Pen test… Un nouveau monde s’offre à nous pour convaincre nos interlocuteurs de la sécurité de nos infrastructures !

Mais finalement le produit est-il suffisant ?

La problématique suivante est d’apprendre à chasser ; il ne suffit pas d’avoir les bons outils. Persuadés que notre produit apporte plus de valeur que celui de notre concurrent US, à un prix inférieur, nous rencontrons pourtant un déficit d’image vs. la leur !

La perception joue pour beaucoup… Et sur ce point, les Européens ont beaucoup à apprendre des américains pour vendre du rêve.

Notre slogan (aller vous faire voir), notre approche opérationnelle et pragmatique ainsi que notre image (logo, couleurs, nom…) peuvent parfois jouer en notre défaveur pour certains grands comptes. Ces derniers s’attendent à la fois un marketing plus austère, plus sérieux, mais qui met aussi en avant certains concepts clés et tendance : Customer Journey, Client Experience, sans forcément pousser jusqu’à l’IA, la blockchain ou les NFT.

Qu’à cela ne tienne, c’est un travail que nous menons depuis plus d’un an et ces changements prennent du temps.

Se former… et grandir

Triste nouvelle, chez Partoo la moyenne d’âge est de 29 ans ; Thibault Levi-Martin et moi-même avons respectivement 31 et 30 ans…

Dans son post de 2014, Christophe Janz écrivait :

« Si votre expérience est similaire à celle des fondateurs de Veeva ou Workday – plus de 20 ans d’expérience dans la vente de SaaS et un réseau extrêmement solide – lancez-vous dans la chasse au Brontosaure. Si vous n’avez pas une telle expérience, vous feriez mieux de commencer avec des animaux plus petits (but I’d be happy to be proven wrong!) »

On voit bien ici que l’expérience est un facteur décisif de réussite dans la chasse aux bronchiosaures !

Mais chez Partoo, « on ne nous parle pas d’âge ».

Depuis 2014 les appréciations des scale-ups tech ont beaucoup changé, même en France. Alors si l’âge n’est plus un problème, il faut continuellement se former !

C’est là que la session du Club Boostrap sur le sujet des méga-deals m’a beaucoup appris.

Pendant plus d’une heure d’échanges, j’ai pu mieux comprendre les enjeux des méga-deals et prendre de nombreuses notes dont vous retrouverez un résumé dans les prochains chapitres de cet article.


3) RFP et concurrence frontale

Théoriquement, il existe deux principales manières de signer des méga deals :

  1. La méthode frontale via des RFP
  2. La méthode Land & Expand

Commençons par la méthode frontale (RFP) qui reste la plus classique !

Un RFP (Request for Proposal), un « tender » ou un AO (Appel d’Offres) font souvent référence à la même chose, à savoir un processus d’achat structuré pour des montants très importants sur des sujets stratégiques.

Les RFP impliquent généralement des équipes métier, légal, IT et bien sûr le département achat du prospect, en charge de négocier les prix.

Relativiser

La première chose qu’il est important d’avoir en tête quand on se lance sur ce sujet, c’est que les grands comptes gèrent des budgets démentiels.

C’est souvent quelque chose de difficile à imaginer mais SFR, Renault ou Intermarché dépensent près de 400M€ de budget média marketing chaque année, hors coûts des employés. Les budgets opérationnels, commerciaux, cyber ou industriels sont souvent bien plus importants.

Ainsi sur beaucoup de sujets, des deals d’un million d’euros ne sont pas des budgets si pharaoniques de leur point de vue : un million représente 0,01% de leurs coûts. Si vous avez des coûts globaux de 10M€ pour votre scale-up, quelle importance accordez-vous à une dépense de 1000€ ?

De ce point de vue, il paraît plus logique que des deals de moins de 500k€ ne soient pas toujours prioritaires pour les départements IT & légal – leurs montants étant trop faibles en comparaison des AOs menés en parallèle !

On passera donc ici toutes les bonnes pratiques de négociation sales, mais si c’est un sujet sur lequel vous souhaitez progresser voici un article que j’ai pris énormément de plaisir à écrire :

Les équipes à mettre en face

Pour signer ce type de deal, il faut mettre les bonnes équipes en face !

Séniorité & expérience :

L’implication du Top Management est tout d’abord primordiale.

Pour être un succès, cette stratégie commerciale doit être initiée ou du moins fortement appuyée par le Top Management. Ainsi, même pour une société de 100 à 500 collaborateurs, le CEO aura encore un rôle commercial à jouer.

Laurent & Jean-Louis, co-fondateurs de Socciable sont ainsi très impliqués sur ces sujets : “A nous deux on amène près de 60 ans d’expérience sur la vente grands comptes, cela aide à sécuriser chacune des étapes. Car dans ce type de RFP, la compétition est mondiale, la barre est élevée, chaque détail compte. Le risque lorsqu’on mène trop d’appels d’offre en parallèle, c’est de les rater tous. Il faut choisir ses combats.”

Il est aussi important d’être au bon niveau de discussion tout au long du cycle de vente – et même durant la phase de prospection !

Attribuer des comptes stratégiques à un SDR peu expérimenté, sortant d’école et pouvant difficilement répondre aux exigences des interlocuteurs grands comptes n’est donc pas la bonne méthode.

Il est nécessaire d’associer aux comptes stratégiques des commerciaux avec une certaine expérience sur le sujet et une capacité à bien cerner les problématiques « high level » des décisionnaires.

Pour en savoir plus sur comment structurer son équipe commerciale en Scale-up, voici un article Tribes que j’avais écrit sur le sujet.

Des équipes spécialisées 

La majorité des SaaS B2B qui répondent à des RFP y dédient des équipes spécialisées :

  • Équipe projet chargée du RFP
  • Pre-sales sur les sujets complexes
  • Département légal & IT

Ainsi, sur les méga deals, le commercial ne s’occupera que d’une partie du process et s’appuyera sur une équipe spécialisée à la réponse d’RFP. Les parties légale & sécurité doivent aussi être traitées séparément : une société de 50 à 100 collaborateurs aura ainsi jusqu’à 2 personnes dédiées uniquement aux sujets juridiques.

Certaines clauses comme la clause de liability (clause de responsabilité) ou encore la définition des SLA, peuvent avoir un impact énorme si elles sont mal négociées. Signer une clause de responsabilité illimitée, alors même que le nombre de cyber-attaques ne cesse d’augmenter n’est pas une stratégie gagnante sur le long terme.

La clause de liabilty

Jean-Louis nous donne là aussi son retour d’expérience :

“Devant la pression des acheteurs et du département légal du client, qui généralement expliquent qu’accepter un plafond illimité est le seul moyen de travailler avec eux, on peut être tenté de céder. La réalité est que cette clause est systématiquement négociée, les acheteurs ont l’habitude.

Si le client est vraiment intéressé par la solution, il acceptera de faire des compromis. Tout le monde sait désormais que le plafond des assurances est limité, donc la question n’est plus de savoir si on part vers de l’illimité, mais plutôt vers quelle hauteur de plafond on se dirige. On va généralement travailler sur un multiple « raisonnable » de contrat annuel.

Au final, la négociation du Master Service Agreement, du Data Privacy Agreement, du Scope of Work et des SLAs peut prendre plusieurs mois. Il faut s’armer de patience et être imaginatif pour trouver des solutions qui permettent aux deux parties de sortir gagnantes.

À noter que les clauses de liability non plafonnée peuvent être des sujets problématiques en cas d’acquisition, car elles viennent alimenter la garantie de passif qui pèse sur la société après la session….

Méga-deals : une dimension internationale

Les méga-deals comportent souvent une dimension internationale qui nécessite une organisation spécifique.

Une équipe centrale sera généralement en charge d’orchestrer le projet dans son ensemble, tandis que des équipes locales (natives) devront servir de relais dans les différentes géographies. Cette structure doit être mise en place, tant dans la phase de vente que dans la phase de déploiement.

Les retours de Jean-Louis sur ce sujet sont assez parlants :

“Avoir des filiales locales contribue à rassurer le client, à la fois d’un point de vue contractuel et déploiement. Mais naturellement gérer des filiales demande non seulement des ressources mais aussi une grande rigueur sur les aspects financiers et comptables. Outre les arbitrages sur les devises, il faut pouvoir gérer des clôtures de comptes dans les différents pays, avec leurs spécificités, et au final consolider les comptes au niveau du groupe.

On ne met pas tout cela en place pour un ou deux clients. C’est une stratégie qui s’inscrit dans la durée, avec toute la complexité juridique qui va avec. Il nous a fallu deux ans pour créer notre filiale indienne, alors que nous avions déjà un bureau sur place.”

Orchestrer un deal international demande aussi une certaine taille critique. À cela s’ajoute la nécessité d’ouvrir des filiales dans différents pays pour signer des contrats locaux, comme par exemple aux US.

Chez Partoo, après avoir ouvert notre filiale juridique en Inde, nous sommes actuellement en train d’ouvrir une filiale au Mexique et une autre au Brésil – pour laquelle des questions de transferts de capitaux et de taux de change se posent…

International presence Partoo
Présence internationale de Partoo

Account Based Marketing

Nous l’avons déjà évoqué, mais les méga-deals demandent aussi un marketing spécifique : on parle généralement d’Account Based Marketing (ABM) – ce sujet pourrait d’ailleurs faire l’objet d’un article Tribes dédié.

Beaucoup de SaaS qui tentent de se positionner sur des méga-deals commencent généralement par une stratégie que certains appellent “spray and pray”. Beaucoup d’argent est alors déversé dans différents channels marketing. Malheureusement, le sujet est souvent de niche et la majorité du budget est gâchée sur des personnes n’étant pas concernés.

Au contraire l’ABM demandera un « Account Mapping » préalable et un ciblage des bons interlocuteurs (ICP ou Ideal Customer Profile). Certains y voient un troisième type de marketing en plus de l’Outbound Marketing & de l’Inbound Marketing ; de mon point de vue il s’agit plus d’un mix des deux incluant un ciblage fin et un haut niveau de personnalisation.

Des cycles de vente plus longs

Malheureusement, contrairement au Marketing Mid-Market, l’ABM met du temps à démontrer un ROI en raison de cycles de vente beaucoup plus longs, pouvant aller de 6 à 24 mois comme le rappelle Jean-Louis :

“Il faut beaucoup de temps pour savoir si la stratégie qu’on a mis en place porte ses fruits. Le risque est de jeter l’éponge trop tôt alors qu’il fallait au contraire persister. Mais on peut aussi faire fausse route. On a beaucoup moins de réponses rapides qu’avec un marché Small & Medium Business. Aujourd’hui tous les gros contrats que nous signons sont le fruit de paris qu’on a fait il y a deux ans, et nous savons que ce que nous lançons aujourd’hui mettra probablement autant de temps à porter vraiment ses fruits.”

Schéma de l’Account Based Marketing

Process de vente & Mutual Closing Plan

Si le cycle de vente d’un compte stratégique est plus long, il demande donc des méthodes très spécifiques. Il est ainsi nécessaire de s’appuyer sur un framework de vente : chez Partoo nous utilisons le framework MEDDIC, sur lequel vous retrouverez un article complet en suivant ce lien.

MEDDIC

Les process de vente sur des méga deals demandent aussi des approches particulières comme le Consultative Selling ou le Multi-threading – j’avais aussi écrit un article sur ces sujets il y a quelques mois que vous retrouverez sur Tribes.

consultive selling

De manière générale, vendre sur 6 à 24 mois requiert une forte expérience, une résilience à toute épreuve et une certaine organisation.

Multiplier les « touch points » devient rapidement indispensable et il peut être utile de mettre en place un « Mutual Closing Plan » :  une rapide recherche Google vous donnera plus d’informations sur ce concept ! 

Nous serions ravis d’héberger un article sur ce sujet sur Tribes si vous vous sentez d’attaque ! Voici une version en anglais en attendant.

Des contrats Multi-years

Outre la taille des contrats, les méga deals ont un autre avantage : un churn très faible !

Le gross churn annuel des méga-deals oscille généralement entre 0 et 8% tandis que le « net churn », prenant en compte les upsells & cross-sell, est généralement négatif !

Et cela pour plusieurs raisons :

  • Le process d’AO est lourd et complexe ; et c’est le cas des deux côtés ! Une fois le prestataire choisi, les intérêts du fournisseur et du client sont alignés pour avancer sur le long terme.
  • Sur les méga-deals, les solutions technologiques sont souvent imbriquées dans les systèmes d’informations et dans les process métiers du client. Tout changement de solution a donc des implications fortes : on parle alors de « switching costs » élevés
  • Enfin, étant donné le coût de set-up, beaucoup de méga-deals sont pluriannuels (« multi-year »). Les deals de 3 à 5 ans peuvent même parfois êtres payés upfront pour couvrir les coûts de set-up ce qui garantit un BFR négatif très avantageux pour le fournisseur !

Là encore Jean Louis partage son retour d’expérience :

“Les deals multi-years sont très attractifs. Pour une entreprise comme la notre qui s’autofinance, ils sont essentiels. Mais il y a aussi des contreparties. Le prix est « locké » à l’avance pour 3 ans, voir 5 ans. Cela accroit le risque de fortes variations sur le taux de change, ou la hausse des tarifs d’un fournisseur qu’on ne peut pas forcément répercuter.

Néanmoins ils restent une bonne option, surtout lorsqu’on sait qu’en B2B Grands Comptes le CAC (coût d’acquisition client) peut monter jusqu’à une fois l’ACV (annual contract value) : la réalité c’est qu’on commence vraiment à gagner de l’argent avec un client à partir de la deuxième année.”


4) Land & Expand

Nous arrivons maintenant à la deuxième stratégie possible pour obtenir des méga-deals : celle du « Land & Expand » aussi appelée « Seed and Grow ».

Cette stratégie utilisée par Slack, Basecamp ou Atlassian consiste à entrer dans un compte avec un contrat de faible taille, délivrer un service exceptionnel, devenir « Trusted Partner », et augmenter la valeur du contrat en ajoutant des licences ou des produits.

Sell Small Tribes

Prenons un exemple concret.

En 2018, Partoo échangeait avec une banque mutualiste française à propos d’un contrat cadre de plusieurs centaines de milliers d’euros. Devant le montant trop élevé, les achats en central ont refusé d’avancer sur le projet.

Nous avons donc fait évoluer notre stratégie et avons contacté les différentes caisses régionales une par une. Nous avons signé une première à un prix très faible et avons délivré un service de qualité !

Deux ans plus tard, plus de 80% des caisses du groupe font confiance à Partoo et la valeur du contrat global a été multipliée par plus de 30.

Phase 1 : Land

Comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, les équipes de Partoo ont mis en place une stratégie « Land & Expand » sans en avoir conscience.

Pourtant, formaliser ce process commercial peut permettre de l’industrialiser et d’en faire une vraie stratégie d’acquisition. En échangeant avec divers CEO de société SaaS pratiquant ce type de ventes, je me suis rendu compte qu’il y avait de vrais bénéfices à mettre en place cette stratégie – à commencer par éviter des AO chronophages et complexes.

Pour les adeptes de cette méthode, l’idée est de commencer sur un deal de quelques dizaines de milliers d’euros pour se faire référencer chez le client – une facture suffit. Certaines sociétés vont jusqu’à travailler sans contrat sur ce type d’approche dans l’unique but de rentrer sans faire trop de bruit !

L’objectif est ici d’entrer sur un sujet simple avec un impact fort et délivrer une valeur qui dépasse les attentes du client.

Pour en savoir plus sur cette stratégie, voici un article que je vous conseille de lire.

Phase 2 : Expand

Une fois prestataire du compte, il s’agit de mettre en place une vraie stratégie d’expansion : et cela prend du temps !

Il ne faut pas être avare de réunions, de workshops et d’accompagnement : l’objectif ici est de traiter le compte comme un compte stratégique, sans forcément que le montant payé soit corrélé.

Le premier deal n’est donc pas rentable, mais le coût élevé de l’accompagnement doit être analysé comme un coût d’acquisition client (CAC) : il ne doit pas faire l’objet d’une analyse de rentabilité.

L’objectif est ensuite de procéder à de l’upsell (plus de licences) ou du cross-sell (plus de produits) afin de faire monter l’ACV du prospect. En quelques mois, des comptes de quelques dizaines de milliers d’euros peuvent alors se transformer en comptes de centaines de milliers d’euros, voir millions.

Une autre variante de cette stratégie consiste à mettre en place ce que les Américains appellent des « Ramp-up deals ». Il s’agit de contrats pluri-annuels dont la valeur augmente chaque année. Ainsi la valeur du deal la première année reste faible, mais le contrat encadre et garantie la stratégie d’expansion sur les années suivantes.

Pour favoriser ce type de deals, il est alors préférable de commissionner les sales sur l’ACV (moyenne) que sur l’ARR de l’année 1 – ce que nous avons donc fait chez Partoo.

Mapping & multi-threading

Ce type de stratégies requière d’investir énormément dans le service client et l’accompagnement afin de satisfaire au mieux les prospects.

Cette stratégie demande aussi une implication commerciale forte : on parle souvent de Key Account Manager (KAM) dont les profils diffèrent des Sales Account Executives dédiés à la chasse.

Effet, la stratégie du « cheval de troie » nécessite de remonter dans la hiérarchie et d’atteindre d’autres contacts au sein de l’organisation du client. Il faut alors « mapper » le compte c’est-à-dire identifier les profils clés et les décisionnaires sur chaque sujet.

Pour remonter dans la hiérarchie d’un compte, il peut être utile de mettre en place la méthode multi-threading.

L’idée ici est de structurer son équipe en miroir de l’organisation du client : le CSM va parler principalement à l’opérationnel, le KAM à son N+1, le Head of sales au N+2 et le CEO au N+3. Cela permet d’avoir des points de contact aux différents niveaux hiérarchiques et de faire avancer le projet plus efficacement.

De manière générale, la vente de méga-deal requiert énormément de soft-skill et intègre souvent des sujets politiques inhérents aux grandes organisations…

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Cet article est une première ébauche sur un sujet complexe et très vaste !

N’hésitez donc pas à me contacter si vous souhaitez le compléter en rédigeant des articles Tribes sur certains aspects en particulier : Mutual Closing Plan, Account Based Marketing, etc

De notre retour d’expérience, la meilleure manière de progresser sur ce sujet est de se lancer ! Cela vous permettra d’apprendre à la fois de vos partenaires mais aussi de vos concurrents.

De manière générale nous recrutons plusieurs centaines de nouveaux collaborateurs chaque année chez Partoo ; si ce type de process commercial t’intéresse, rejoins nous sur Welcome To The Jungle pour faire partie de l’aventure 😄